L’Instant Lyrique de Nicolas Courjal sous le Dôme étoilé de L'Éléphant Paname
Pour ce 52ème rendez-vous, l’invité, la basse Nicolas Courjal, a élaboré avec son ami et pianiste Antoine Palloc, un programme mélodique exigeant. Brahms en premier lieu occupe une part essentielle de la soirée avec notamment les Zwei Gesänge opus 91. La voix en cette première partie se cherche un peu, comme contrainte, avec un legato et un soutien au niveau du souffle qui prendront du temps à se stabiliser. Mais comme le rappelait très justement Nicolas Courjal en cours de soirée, sa dernière prestation publique remonte au mois de mars dernier dans Roméo et Juliette de Gounod (Frère Laurent) à l’Opéra de Bordeaux.
Il paraît clair, que par-delà l’appréhension légitime qui l’étreint, son visage rayonne du bonheur de se retrouver enfin face au public (celui-ci admis en moins grand nombre qu’à l’habitude du fait des contraintes sanitaires). Pour autant, les deux artistes rejoints par le merveilleux clarinettiste François Lemoine, parviennent à établir une atmosphère juste et recueillie sur les mélodies de Brahms. La musique de Guy Ropartz pour sa part semble bien oubliée de nos jours. En 1899, il compose les Quatre Poèmes d’après l’Intermezzo de Heine. Ce cycle ambitieux et captivant se pare d’une sorte d’incandescence dramatique qui laisse une large place au piano et exige du chanteur une intimité complète tant avec les textes proches du désespoir de Heine qu’avec la musique qui les porte. Cette dernière, très française d’inspiration semble baignée ou influencée par la musique d’Ernest Chausson, Vincent d'Indy, voire Albéric Magnard, le grand ami de Ropartz. Nicolas Courjal et Antoine Palloc donnent une version poignante et déterminante de ces quatre mélodies, dont la dernière Depuis que nul rayon de tes yeux bien-aimés, se termine sur ces paroles tragiques, Nuit Éternelle, engloutis-moi !
Des mélodies italiennes de Tosti et d’Ernesto de Curtis viennent conclure de façon agréable et plus détendue une soirée en soit fort sérieuse. Deux airs d’opéras -"mon ADN" comme l’explique Nicolas Courjal-, prolongent le concert en bis et non des moindres : l'Air de Fiesco Il lacerato spirito du Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi, puis l’exaltant et démoniaque Son lo spirito che nega du Mefistofele de Boito. Comme totalement libérée de la contrainte mélodique, la voix de la basse se déploie de toute sa hauteur et dévoile toutes ses couleurs, son ambitus, ses harmoniques. Le legato s’impose sans faillir, l’aigu se magnifie, le médium s’avère insolent et les résonnances dans les graves surprennent jusqu’à atteindre l’abyssal à la fin de l’air de Fiesco. Les caractères des personnages s’exhalent totalement au travers de la puissance même du chant de Nicolas Courjal qui, malgré cette trop longue période loin de la scène, semble avoir franchi une nouvelle et décisive étape dans son évolution tant vocale qu’interprétative. Le travail assidu qu’il mène depuis de longues années avec son complice Antoine Palloc, chef de chant au sens noble et authentique du terme, porte ses meilleurs fruits.
Un déploiement qui doit lui permettre d'assumer une riche saison : il sera possible de retrouver Nicolas Courjal sur scène à Liège en octobre dans Hamlet d’Ambroise Thomas (Claudius), puis dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy (Golaud) à l’Opéra de Rouen Normandie, Le Comte Walter de Luisa Miller de Verdi à l’Opéra de Marseille, et enfin au Capitole de Toulouse dans La Force du destin de Verdi (Calatrava, Padre Guardiano). À noter que L’Instant Lyrique a noué un nouveau partenariat avec Google Arts and Culture qui permettra la retransmission en ligne des soirées consacrés à Sandrine Piau le 3 novembre, Arturo Chacon-Cruz le 30 mars 2021 et Asmik Grigorian le 27 mai.