Concert déconfiné du Chœur de l’Opéra Grand Avignon au Palais des Papes
C’est après quelques mois de long silence que la musique revient en Avignon. Après l’annulation du Festival d’art du spectacle vivant annuel dirigé par le metteur en scène Olivier Py (dont nous venons de publier une interview exclusive), les manifestations artistiques reviennent petit à petit. C’est sur invitation et en partenariat avec Avignon Tourisme que le Chœur de l'Opéra Grand Avignon, sous la direction d’Aurore Marchand, offre un concert en petit comité au cloître Benoit XII au cœur du Palais des Papes.
Donnant un petit aperçu lors d’une intervention et presque répétition générale sur le parvis du Palais des Papes, c’est un concert intime (et respectueux des règles sanitaires) auquel le public est invité. Les chanteurs restent soudés musicalement, malgré la distance réglementaire et se donnent pleinement pour unir leurs voix, sous l’œil vigilant de leur cheffe, Aurore Marchand. Dans un programme présenté et guidé par Sylvie Rogier, se retrouvent de grands airs de chœurs réunissant les œuvres de Donizetti, Mascagni, Verdi ou encore Bizet, Saint-Saëns et Offenbach. La virtuosité se développe et s’étend à travers les murs du Palais. Jouant minutieusement sur la précision et l’union des nuances, le rendu est riche en couleurs et s’harmonise remarquablement bien avec le piano, joué par Maya Berdieva, en alternance avec Florence Goyon-Pogemberg. Le chœur du début de L’Elisir d’amore est charmant et dynamique tandis que la Barcarolle des Contes d’Hoffmann est méticuleusement exécutée avec douceur. Se démarquant dans l’éternelle "Habanera" de l'envoûtante Carmen, la jeune mezzo-soprano Clélia Moreau s’impose par une présence et un jeu convaincus. Avec l’élan du chœur, le timbre reste généreux et plein dans l’ensemble, les aigus semblent faciles.
Afin de permettre quelques coupures, le programme s’aventure dans un répertoire plus divers et contemporain, à travers un chant traditionnel corse, des mélodies méconnues de Chausson ainsi qu’un trio de "La Comtesse Maritza" de Kalman. La musique de l’île de Beauté est chantée par quatre membres du chœur, formant le quatuor "L’Estaca". Tout a cappella et plus haut perché -en tout cas sur les hauteurs du Palais-, le ténor Julien Desplantes démontre une souplesse vocale aisée. Ses collègues le ténor Cyril Héritier, le baryton Saeid Alkhouri et la basse Pascal Canitrot accompagnent le soliste, sur un jeu de nuance et un équilibre saisissant. Les poétiques mélodies de Chausson sont réservées pour leur contrepartie, soit un quatuor féminin harmonieux et plaisant : les sopranos Solènne Lepère et Wiebke Nölting aux timbres fins et subtils, ainsi que les altos Laura Darmon-Podevin et Clélia Moreau, sur des expressions vocales ancrées. Enfin, le trio burlesque et dansant de Kalman est interprété par la soprano Marie Simoneau à la voix affirmée dans les aigus mais plus discrète dans le reste de la tessiture, le ténor Cyril Héritier au timbre clair et fin, et le baryton Jean-François Baron, dont la diction française est remarquée.
En attendant l’annonce de la saison 2020-2021, dont des extraits du programme de ce soir annonçaient déjà quelques “spoilers”, c’est une soirée conviviale qui réunit de nouveau les mélomanes.
Les deux Directeurs Pierre Guiral et Frédéric Roels (le sortant et l’entrant) se passent d’ailleurs le relais dans une émission enregistrée ensemble ce vendredi 24 juillet 2020 sur France bleu Vaucluse : un modèle de continuité républicaine qui ferait bien d’inspirer toutes les autres maisons lyriques !