Un récital de prestige pour lancer le festival “déconfiné” de l’Opéra de Vichy
Ils auraient dû se produire aux côtés des musiciens de l’Orchestre National de Lyon, en ouverture d’un Festival d’été où allaient se multiplier concerts et rendez-vous lyriques dans et autour de l’Opéra de Vichy. Finalement, crise sanitaire oblige, c’est dans un cadre différent que sont accueillis Kévin Amiel et Camille Schnoor : celui du festival “Culture déconfinée”, monté en quelques semaines par les services culturels de la ville thermale, et qui fera la part belle à l’art lyrique durant tout l’été (avec notamment la venue de Marie-Ange Todorovitch et Jean-François Vinciguerra le 29 juillet prochain).
Point d’orchestre, donc, en ce premier jour de festival “remodelé”, mais un pianiste, en la personne de Jean-Marc Fontana, et une scène dressée en plein air dans un cadre pour le moins somptueux : celui du parvis de l’Opéra de Vichy, garni en l’espèce de près de 200 sièges ayant tous trouvé preneur. Une foule de spectateurs séduits par le casting, sans doute, mais aussi par le programme : sont annoncés quelques-uns des grands airs de La Traviata, La Bohème ou encore du Faust de Gounod. Autant d’œuvres dans lesquelles les deux solistes du soir se mettent rapidement en évidence.
Un duo complémentaire et rayonnant
C’est d’abord le cas de Kévin Amiel (décidément très présent en cette période de déconfinement, après ses prestations à l'Eléphant Paname et à la Basilique Saint-Denis). Déjà entendu à Vichy dans le cadre du Festival d’été 2018, le jeune ténor rentre sur scène en Faust, d’abord, interprétant un “Salut demeure chaste et pure” où brille d’emblée un timbre sonore et empli d’une brillance raffinée. Les aigus semblent encore quelque peu retenus (ils le seront moins plus tard dans la soirée) mais la voix en impose déjà, et captive autant que le jeu de scène d’un artiste au visage et à la gestuelle expressifs. Venant répondre à ce Faust de très bon aloi, Camille Schnoor rentre ensuite en scène pour camper une Marguerite pleine d’entrain et de fraîcheur. “Il était un roi de Thulé” et l’air du miroir (“Ah je ris”...) se succèdent dans un même élan d’ardeur vocale, le timbre étant également coloré d’un bout à l’autre de la tessiture. S’ensuit le duo d’amour entre Faust et Marguerite (“Laisse moi contempler”), dans lequel les deux artistes affichent une belle complémentarité, aussi bien scénique que vocale (avec une même émotion dans l’émission, et de mêmes timbres lumineux).
Place à La Traviata, ensuite, Kevin Amiel se plaçant là dans un rôle qu’il connait bien, celui d’Alfredo. Son “De'miei bollenti spiriti” plein d’allant, et porté par une projection pleine de ferveur, confirme l’aisance du jeune ténor dans le rôle. Et que dire de ce contre-ut (en conclusion du “Oh Mio rimorso”) que l’artiste semble passer avec une facilité déconcertante (et une remarquable longueur de souffle, aussi). De quoi ravir l’audience, non moins réjouie par le “Parigi o Cara” qui arrive ensuite, duo dans lequel les deux solistes se montrent une nouvelle fois fort complices, leurs voix sonores et rayonnantes se mariant idéalement dans l’incarnation du couple à l’amour passionnel.
Un Kevin Amiel séducteur et amuseur
Après un court mais réjouissant passage par Cilea et son Arlésienne (“E la solita storia”), où sa voix richement timbrée trouve un plein épanouissement, Kévin Amiel devient ensuite un Rodolfo séducteur et amuseur (qui va jusqu’à rattraper son micro et jongler avec, lorsque celui-ci tombe subitement de sa veste). Un Rodolfo qui déploie aussi une grande énergie à séduire sa Mimi d’un soir, les deux complices se montrant une nouvelle fois forts à leur aise dans leurs rôles. Le “Che Gelida manina” du ténor est touchant en tous points, riche de subtilité, de couleurs et de lustre sur l’ensemble de la ligne de chant. Le duo “O Suave Fanciulla” est appliqué et soigné, jusqu’au dernier souffle de leur élan amoureux conclu en de vaillants aigus. Toujours chez Puccini, mais en Butterfly cette fois-ci, le “Un bel di vedremo” de la soprano niçoise (aujourd’hui établie à Munich) est plein de sensibilité, avec des sonorités exquises et aériennes.
Que de belles émotions en somme au cours d’une soirée où le pianiste Jean-Marc Fontana se montre un parfait accompagnateur, se plaçant idéalement au service des voix sans jamais être trop en retrait. Et puisqu’un récital de gala appelle forcément un tube en guise de “bis”, c’est un enthousiasmant “Libiamo” qui conclut cette belle soirée sous les applaudissements d’un public vichyssois aux visages certes masqués, mais aux yeux gagnés par le plaisir d’avoir renoué, enfin, avec l’art lyrique.