Au Pays de Youkali, au Festival Jeunes Talents avec Axelle Fanyo et Louise Akili
La splendeur architecturale de la Cour d'honneur des Archives nationales à Paris, le vaste espace rond, pavé, verdoyant et ensoleillé, accueille ce duo d'artistes pour un concert familial, avec une programmation articulée autour du monde onirique et féerique des mélodies françaises du 20ème siècle.
Émane ainsi l'idée d'une promenade musicale vers Youkali, terre de bonheur et de rêve, un pays de Cocagne illustré dans l'opérette Marie galante (créée par Jacques Deval et Kurt Weill), dont l'air homonyme couronne la clôture de cette après-midi lyrique. Le trajectoire thématique proposée se compose de chansons qui mettent en musique des fables et autres textes fantasques, préservant l'unité temporelle, stylistique, et le choix adapté tant aux adultes qu'aux enfants présents.
Le programme intimiste de la mélodie paraît naturellement ajusté à la voix de soprano Axelle Fanyo, mais elle se retrouve pourtant en désaccord avec l'environnement acoustique. Le son projeté résonne inégalement, et selon sa direction, il est parfois inaudible et incompréhensible, alors qu'il est par moments bien retentissant jusqu'aux derniers rangs. En dépit de cette insuffisante force vocale (d'ailleurs souvent voilée par l'accompagnement du piano), elle manifeste une expression musicale savante des pièces interprétées. Sa voix douce et boisée s'accorde avec le ton chambriste et salonnier du répertoire choisi, par une émission qui aurait probablement eu sa juste mesure dans un espace sonore clos et résonant. Quant à la prosodie, les mots sont proprement articulés et cadencés, tout comme les petits effets sonores qui soulignent l'aspect sémantique du texte, lui-même étant aussi considérable que sa contrepartie musicale. Son appareil vocal est doté d'une assise bien appuyée qui constitue d'ailleurs l'un de ses traits de reconnaissance. En outre, elle manœuvre habillement dans les morceaux contemporains de Régis Campo, ardents et techniquement exigeants, qui travaillent ses capacités de souffle et la justesse du ton.
Sa collègue au piano Louise Akili s'impose aussi comme l'interprète musicale des textes chantés, menant son rôle bien au-delà d'une simple accompagnatrice. Souvent sorti au premier plan, son jeu engagé et enthousiaste s'exprime toujours au service de (l'esprit de) la partition. Dans son morceau de soliste (Ondine de Ravel), elle peint par multiples couches l'écriture qui oppose le gémissement aquatique avec le bruissement des accords d'une main et le chant mélodique de l'autre (telle la sirène attirant le public vers les eaux profondes habitées par l'esprit Ondine).
Le ton mélancolique et dansant de Youkali referme le programme, et laisse le bonheur comme une question ouverte. Ceci étant dit, les artistes obtiennent un accueil chaleureux du public qui retrouve le bonheur d'assister aux concerts après tant de mois d'absence.