Théâtre de Caen Saison 2020 - 2021, à la poursuite d’Orphée
Le Théâtre de Caen place sa nouvelle saison sous la protection du personnage mythique d'Orphée. L’analogie avec le mythe est aisée : si la pandémie est à bien des égards vécue comme une forme de descente aux Enfers pour le spectacle vivant, la musique et le chant sont les meilleurs moyens de surmonter les épreuves, de la même manière qu’Orphée est parvenu à convaincre les Dieux de ramener Eurydice à la vie à la seule force de sa lyre et de sa voix.
Communément admis comme étant le premier chef-d'œuvre d'opéra de l’histoire, l'Orfeo de Monteverdi apparaît donc tout naturellement au programme de cette nouvelle saison, dans une version revisitée par Jean Bellorini et Valère Novarina. Le jeu des ombres, proposition hybride, mêle aux élans opératiques une réécriture théâtrale portée par une troupe de 11 comédiens.
L’Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon redonne lui aussi vie au mythe mais cette fois dans la version de Gluck revue par Hector Berlioz, avec une mise en scène signée Aurélien Bory plongeant le spectateur dans un monde d’ombres et d’écrans, déjà déployé à l’Opéra Comique de Paris et à Liège (notre compte rendu). La production retrouve Hélène Guilmette (Eurydice) et Lea Desandre (l’Amour), déjà présentes dans cette production salle Favart en 2018, tandis que le rôle d’Orphée reste à distribuer.
D’un univers onirique à l’autre, l’ensemble Les Siècles de François-Xavier Roth (qui vient de prendre la direction de l’Atelier Lyrique de Tourcoing) interprétera l’oeuvre symboliste de Debussy Pelléas et Mélisande, en coproduction avec l’Opéra de Lille. Aux commandes de la mise en scène, Daniel Jeanneteau, révélé sur la scène de l’opéra de Lille avec Le Nain de Zemlinsky (notre compte-rendu), propose un univers hypnotique où le personnage de Mélisande est transfiguré : la figure éthérée est remplacée par une femme pleine de vitalité et de détermination, incarnée par Vannina Santoni, qui prendra le rôle-titre féminin en même temps que Julien Behr débutera en Pelléas. Ils seront accompagnés par Alexandre Duhamel (Golaud) et Jean Teitgen (Arkel), tout deux impressionnants lors de leurs récentes prises de rôles respectives.
Du symbolisme à l’impressionnisme, il n’y a qu’un pas franchi par l’Orchestre Régional de Normandie et la mezzo-soprano Julie Robard-Gendre : Debussy est ainsi mis à l’honneur aux côtés de Gabriel Fauré, ayant lui aussi mis en musique l’amour impossible de Pélléas et Mélisande, mais aussi Ottorino Respighi et Benjamin Dupé (en résidence au Théâtre de Caen) au cours d’un concert sous le thème des Clairs-Obscurs conjuguant les couleurs de la nature aux passions amoureuses.
Toujours dans le registre des amours transgressives, Armida d’Antonio Salieri sera donnée dans une version concert par Les Talens Lyriques de Christophe Rousset. Lenneke Ruiten campera le rôle-titre de l’enchanteresse musulmane, Reine déchue de Damas éprise du croisé chrétien Rinaldo (Florie Valiquette). Teresa Iervolino interprétera quant à elle Ismène.
Après Orphée, le Théâtre de Caen invite ses spectateurs à la redécouverte d’un autre personnage emblématique : le Roi Soleil. Pour ce faire, c’est un temps fort de la saison 2017-2018 qui se redéploie sur scène. Avec Le Ballet royal de la nuit (notre compte-rendu), l’Ensemble Correspondances de Sébastien Daucé insuffle toute sa magie à l’œuvre consacrée au jeune Louis XIV au lendemain de la Fronde. Francesca Lattuada signe la mise en scène de ce livret foisonnant où se côtoient toutes sortes de créatures extraordinaires. Une production à retrouver aussi au programme de l’Opéra National de Lorraine.
Sébastien Daucé dirigera un autre concert dédié au Roi Soleil : Motets de Jeunesse. Il mettra à l’honneur le compositeur Michel-Richard de Lalande (1657-1726) connu pour s’être imposé à la cour face à un Lully disposant de toutes les faveurs royales. Dominant la vie musicale de l’époque, ce dernier influencera notamment Jean-Sébastien Bach, dont l’Oratorio de Pâques sera donné sur la scène caennaise par Le Banquet Céleste et des interprètes reconnus de la scène baroque, comme la soprano Céline Scheen et le ténor Zachary Wilder.
Dans une continuité historique, l’ensemble La Diane Française poursuit le voyage dans le temps vers le XVIIIème siècle, à la poursuite de l’œuvre d’un génie musical français méconnu, Jean-Marie Leclair. La programmation portée par Lisa Chaïb Auriol et Thierry Geffrotin, auteur et récitant, retrace le parcours du héraut à travers l’Europe, à la découverte de son œuvre et de ses contemporains Couperin, Rameau, Vivaldi et Locatelli.
Le voyage nourrit les inspirations comme le prouvent Ali et Hèdi Thabet avec Uwrubba, opéra méditerranéen autour du mythe de Narcisse. Puisant dans leurs origines grecques, les deux frères offrent un spectacle syncrétique mêlant musique populaire grecque et mélopées orientales au chant de la mezzo-soprano Catherine Bourgeois.
Friand de confrontations esthétiques et transdisciplinaires, le Théâtre de Caen propose parallèlement deux créations alliant son et images. Avec Vivian : clicks and pics, l’œuvre photographique de Vivian Maier est restituée par Benjamin Dupé au travers d’un opéra de chambre inspiré du texte de Guillaume Poix, Tout entière, avec la soprano Léa Trommenschlager.
Autre projet ambitieux de synchronisation entre image et musique, La Belle et la Bête de Philip Glass sera donné par l’Orchestre Régional de Normandie et des interprètes tels que Kamil Ben Hsaïn Lachiri (récemment à l’affiche du Théâtre des Champs Elysées), Marthe Davost, Mayan Goldenfeld et Florent Karrer à l’occasion d’un ciné concert.