Google diffuse un double Instant lyrique depuis l’Eléphant Paname
L’Eléphant Paname présente une saison 2020/2021 riche en récitals prestigieux, marquant, pour sa septième édition, une pleine maturité. Pour l’occasion, l’institution parisienne organise deux concerts, filmés en vue d’une diffusion sur la chaine Youtube de Google Arts & Culture (trois Instants lyriques seront ainsi diffusés en direct grâce à ce partenariat). Dans la salle, une vingtaine de professionnels (agents d’artistes, journalistes, équipes de l’Eléphant Paname) assistent à ce double concert très privé.
Se présentent d’abord Kévin Amiel, accompagné d’Yvan Cassar au piano et Christian-Pierre La Marca au violoncelle. Ce récital démarre par deux tubes opératiques (« La donna e mobile » extrait de Rigoletto et « Una furtiva lagrima » extrait de l’Elixir d’amour), avant d’explorer des répertoires moins populaires mais tout aussi enthousiasmants (Paganini, Sacco, de Curtis ou encore Cilea). Au piano, Yvan Cassar se montre détaché mais très précis et attentif à ses partenaires. Christian-Pierre La Marca tire de son violoncelle un son charnu et ténébreux, aussi expressif que son interprète. Quant à Kévin Amiel, qui déclarait il y a peu qu’il n’accepterait plus que des rôles de premier plan, il démontre que cette plus grande exposition s’accompagne d’une maturité musicale grandissante. Son timbre viril et chaud a gagné en fermeté. Il maîtrise désormais pleinement son instrument, projeté avec force, et dont il tire toute sorte d’effets vocaux (décrochages pour évoquer la douleur, ajouts de souffle pour rendre un son plus âpre, éclats de voix pour signifier la gaieté, transition entre voix pleine et mixte pour adoucir un aigu tenu avec délicatesse). Seules les vocalises pourraient encore se détacher avec plus de précision. L’interprétation est incarnée et convaincante dans l’espièglerie autant que dans le drame.
Dans une seconde partie, Karine Deshayes et Chiara Skerath forment un duo aux côtés d’Antoine Palloc au piano. Ensemble, ils explorent des répertoires variés (Mendelssohn, Chausson, Hahn, Oscar Straus ou encore Humperdinck). Mais elles non plus ne négligent pas les airs plus connus et interprètent le duo « Via resti servita » extrait des Noces de Figaro, « O mio babbino caro » tiré de Gianni Schicchi ou encore la célèbre Barcarolle des Contes d’Hoffmann. Ce concert est animé par l'entrain de la soprano Chiara Skerath, qui pétille avant même de chanter et évolue du sourire gourmand au sourire triste en passant par le sourire moqueur. Sa voix acidulée au vibrato vif et fin s’épanouit lorsqu’elle est actionnée dans un mouvement théâtral. Mais à tout moment et quelle que soit la langue (français, italien, allemand), la diction est soignée et précise. Karine Deshayes envoûte par la musicalité de son chant au phrasé très étudié, nourri d’une exacte diction et de fines nuances. Le timbre doux et suave reste harmonieux sur l’immense ambitus déployé, du grave poignant aux agiles suraigus. A tout moment, des regards complices unissent les deux cantatrices qui fondent leurs voix dans une mixture sonore au charme ineffable. Antoine Palloc se fond dans le phrasé des chanteuses qu’il met bien en valeur, les accompagnant de tout son corps.
Le digital, c'est bien. Mais l'absence du public crée une carence, comme si un instrument manquait à la musique : vivement les prochains Instants lyriques, pour redécouvrir ces récitals avec des spectateurs, qui pourront passer de leur salon à ceux de l'Eléphant Paname.