Orient et Occident en jeux de miroirs à la Philharmonie
Tenant une place toute particulière dans le cycle Mahmoud Darwich, ce concert propose d’associer le poète à une tradition littéraire et musicale qui dépasse les limites Orient/Occident. Construit sur le motif du miroir, le concert met en effet en place un système de résonances et de réflexions, dans tous les sens du terme.
Chaque pièce suit la précédente en cherchant à la fois à la compléter et à se différencier radicalement. Les pièces changent donc d’effectif, des chœurs associés au duo voix-instrument, mais aussi de langue, arabe ou français, ou d’époque, début du XXème siècle ou créations et adaptations contemporaines. L’attention portée à la mise en scène s'impose, avec des variations d’espace agréablement soutenues par la lumière, notamment lors des trios ou encore des lectures. Si le concert commence par un face à face entre langue arabe et langue française, le deuxième morceau symbolise davantage sa recherche d’une union. Ce désir se manifeste par l’usage du triple chœur, effectif qui se retrouve dans le dernier morceau, « Contrepoint » qui paradoxalement s’unifie (Tibaaq, Naji Hakim) comme une prière laïque, mais surtout artistique. Cette cohésion passe alors aussi par l’engagement musical visible de la Maîtrise de Trappes-en-Yvelines et des Elèves du Collège Joliot-Curie de Pantin, portés par le dynamisme de Lionel Sow, pour une communion qui se veut universelle.
Si les chœurs semblent au début difficilement associés, au cours du concert une véritable entraide se crée entre les chanteurs, par un effet éloquent dans « L’envol des colombes » (mis en musique par Patrick Lama), où les voix se mêlent, physiquement et musicalement, jusqu’à ne faire plus qu’un. Si le Chœur de jeunes de l’Orchestre de Paris brille par son professionnalisme et sa technicité, en particulier dans les nuances très fines des pièces de Fauré, le Chœur Amwaj de Palestine offre une vision musicale différente de nos standards, et finalement plus proche du rythme avec des voix soufflées intéressantes. Ce parallèle se retrouve ainsi dans les Duetto II de Thierry Machuel. En effet, la puissance et la justesse dans les aigus des mezzo-sopranos du Chœur de jeunes de l’Orchestre de Paris, se marie avec les jeunes palestiniennes, malgré une moins grande puissance, offrant des graves timbrés et une communion musicale plus fine avec des instruments comme le cornet à bouquin, auquel Jean Tubéry donne des inflexions humaines. Il est aussi intéressant de voir que le travail de la voix se fait également dans les moments de lecture, où les plus jeunes des chanteurs palestiniens font vivre le texte dans une langue chaude et chantante, comme dans la pièce de Sully Prudhomme, offrant une séquence complice avec le percussionniste Youssef Hbeish, qui fait danser les mots des poèmes.
En utilisant l’image du miroir pour symboliser les regards d’une « identité plurielle » chère à Mahmoud Darwich, la Philharmonie propose en réalité d’interroger nos différences, tout en proposant dans une synthèse artistique, la musique et le chant se faisant miroirs du monde.