Cavalleria Rusticana & Pagliacci fusionnent à l'Opéra Grand Avignon
Drames amoureux en Avignon
Le prologue de Pagliacci incluant l’air ("Si Puo ?") est ici inséré au début du spectacle, précédant donc Cavalleria Rusticana, renforçant l'unité du diptyque et la mise en abyme du théâtre populaire/du peuple. Le théâtre dans le théâtre dans le théâtre renforce les contrastes (a fortiori avec les costumes de David Belugou), la tragi-comédie, l'émotion dynamique dans la direction d'acteurs. Jusqu'au sommet de la scène finale où la pauvre Nedda, suivie avec fureur par son mari Pagliacci, court dans la salle, implorant l’aide de l’auditoire.
La distribution se compose des lauréats du 26ème Concours International de chant de Clermont-Ferrand. Endossant les lourds rôles de Turridu et de Canio, le ténor Denys Pivnitskyi se montre téméraire face à la difficulté. Il affirme ses gestes physiques et vocaux avec sûreté et assurance. La voix timbrée ressort dans les grands aigus dramatiques, émouvants. Sa version de "Vesti La Giubba" est très appréciée car liée par un riche phrasé. La Santuzza interprétée par la soprano Chrystelle di Marco possède une voix hautement timbrée et colorée. Homogène et ample, elle s’avère expressive malgré un jeu scénique assez restreint. La soprano Solen Mainguené est une Nedda captivante et charismatique, à travers un jeu charmant et fluide qui s’accompagne d’un grain de voix léger et perçant dans les aigus (un peu trop serrés parfois). Le couple coupable mêle ses phrases ensemble et dans un élan contrôlé.
Le baryton Jiwon Song s’affirme brillant non seulement via sa première apparition au prologue (accueillant et assuré) mais aussi en Silvio joué avec entrain et caractère. Le timbre vibrant du chanteur englobe des médiums et graves d’une plaisante justesse et osera prendre plus de largeurs dans les aigus. Dans les rôles d’Alfio et de Tonio, le baryton Dongyong Noh se montre assez minimaliste dans ses expressions et intentions scéniques mais présente de bonnes bases vocales. Son point fort réside dans les graves pleins, les aigus manquant de soutien et de lyrisme. Le reste est correctement exécuté.
La soprano Ania Wozniak assure le rôle de l’amante Lola d'une voix gracieusement exclamée. La Mamma Lucia revient à la mezzo-soprano Gosha Kowalinska au timbre presque masculin et charnu dans les graves et tremblant dans les aigus dramatiques. Enfin, le jeune ténor Jean Miannay montre ses talents à travers le rôle de Beppe qu'il joue avec engagement. D’un jeu naturel, les notes se délient facilement mais avec un manque de projection. Les deux contadinos sont joués par la basse Jean-François Baron au timbre chaud et distinct et le ténor Gentin Ngjela à la voix projetée et claire. Enfin, dans la courte prise de parole de la jeune fille annonçant la mort de Turiddu mais aussi dans une présence permanente et active, l’alto et membre du Chœur Clélia Moreau assure une belle déclamation.
Le chœur de l’Opéra Grand Avignon reste présent et dynamique jouant un public attentif et réactif aux actions des solistes. Les ensembles sont appréciés mais pas assez mis en valeur, dû à un léger manque d’équilibre. L’Orchestre Régional Avignon-Provence, dirigé par le chef Miguel Campos Neto à la battue souple et généreusement expressive, passe largement dans l’enceinte de la salle et prend parfois le dessus sur le plateau vocal.
L’ensemble du public offre au spectacle un accueil et des échos satisfaits.