Jakub Józef Orliński, la Pologne à l'honneur de la Cité Musicale à Metz
Le programme proposé ne s’aventure pas dans la musique d’Europe de l’Est mais affiche le contre-ténor polonais le plus populaire du moment dans un récital qui comprend des airs de Facce d’amore, son deuxième album consacré à la musique baroque et au sentiment amoureux sous toutes ses facettes. Le choix de ce récital offre les baroques célèbres, Haendel ou Cavalli, et la découverte d’autres compositeurs et airs moins connus. Ce programme permet surtout à Jakub Józef Orliński de faire la démonstration de son implication scénique et de sa technicité vocale, tour de force d’aigus à l’éventail varié.
Port altier dès son arrivée sur scène, le contre-ténor suscite déjà des applaudissements nourris avant même de prendre la parole pour remercier en anglais le public et dire sa joie de se produire dans cette « salle légendaire » dont l’acoustique pure magnifie le chant. La présence scénique, par la stature, l’élégance et les jeux de regard avec le public, charme l’auditoire qui semble succomber à chaque interaction, à tel point que les codes de bienséance sont oubliés, le public n’hésitant pas à applaudir après chaque air, chose inhabituelle dans la Grande Salle de l’Arsenal, ou à ponctuer les airs de soupirs d’extase, justifiés par la technicité assurée du contre-ténor et le déploiement d’effets.
D’abord doux sur le premier air de Cavalli, les aigus deviennent fiévreux sur Boretti, quitte à sacrifier par endroits la justesse lorsqu’ils retombent sur les mediums. Ce défaut d’exactitude est compensé par un travail assuré sur le souffle, des piani les plus doux à une montée vertigineuse sur Infelice mia costanza de Bononcini. Découpant les syllabes, le timbre s’envole vers des aigus d’une pureté adamantine, sonores, et des mediums longuement tenus sans effort apparent. Le jeu d’amplification progressive sur ces aigus expose toutes les nuances, du piano intime au forte.
La
palette des aigus s’expose avec la même assurance, quasi soufflés
aux premières mesures du Sempre a si vaghi rai de Hasse,
mimétiques du violon qui transpose avec souplesse et intensité la
ligne musicale du contre-ténor. Les modulations, trilles ou
vibratos, s’amusent avec le timbre tour à tour charmeur, railleur
ou enjôleur, qu’elles se construisent au plus aigu de l’ambitus
ou dans des graves assurés, sans essoufflement quelconque.
À la virtuosité du timbre s’ajoute la diction et l'articulation de l’italien si précises que le public, qui ne dispose pas du livret des airs, peut comprendre à quel point les jeux de scène et de regard illustrent le texte. Cascade de "r" roulés, accélérations assurées, la beauté de la langue résonne et fait corps avec le physique.
L’Ensemble Il Pomo d’Oro, que l’Arsenal retrouve avec joie, fait résonner dans la Grande Salle richesse des timbres des instruments, agilité coutumière, tempi adéquats et couleurs chamarrées, avec ou sans le contre-ténor, car le programme offre à l’ensemble de belles pages instrumentales, dont le Ballo dei Bagatellieri de Matteis Nicola.
Offrant trois rappels, le contre-ténor délecte entre autres le public d’un extrait de son premier album, l’Agitata da due venti de la Griselda de Vivaldi. Le public chavire toujours et, complètement conquis, offre au charismatique et séduisant Jakub Józef Orliński une ovation debout.