La Flûte enchantée en VF en Avignon
Production de l’Opéra Royal de Wallonie à Liège en coréalisation avec l’Opéra Royal de Versailles (réservez vite vos places), cette version se voulant familiale est intégralement traduite en français (par Françoise Ferlan) et surtitrée.
Mise en scène par Cécile Roussat et Julien Lubek, l’histoire également est revisitée, rappelant les péripéties de l’enfant dans L’Enfant et Les Sortilèges de Ravel. Le jeune Tamino se couche et nous pénétrons dans son sommeil. Débutant par un cauchemar (où le serpent surgit de son lit), le héros est sauvé par les trois dames de la Reine et entame sa quête vers sa bien-aimée, Pamina (suivant l'histoire originale de Mozart et Schikaneder).
Le plan scénique est travaillé mais lisse et il se répète dans ses couleurs, formes et mouvements : numéros d'acrobates et funambules effectués par quatre petits rats, reléguant le chœur en fosse.
Les décors se déplacent certes comme par magie et brillent comme les costumes fantasques (Sylvie Skinazi) mais l'ensemble se cale sur un tempo mécanisé des interprètes, ce qui influence la musique (d'autant que les déplacements des éléments du décors sont parfois si bruyants qu'ils couvrent les airs les plus tendres de la partition).
Dans le rôle principal, l’innocent et téméraire Tamino est joué par le ténor Mathias Vidal (qui nous en parlait en interview). La juvénile voix donne sa musicalité au texte, subtilement fin et s’élançant dans des aigus sculptés. Il porte ce voyage initiatique avec enthousiasme et autonomie, de caractère comme de voix. Sa douce Pamina, interprétée par la soprano Florie Valiquette, voit son jeu restreint par son personnage de poupée, mais elle conserve une féminité sensible. La voix se déploie sur des phrasés expressifs avec relief. Les aigus sont faciles et les médiums chaleureux.
Le baryton Marc Scoffoni est un Papageno brave et infatigable dans ses manières comiques volontairement maladroites. Le timbre sort riche en couleurs et présent du début jusqu’à la fin. Chantal Santon Jeffery initialement prévue est remplacée au pied levé par la soprano belge Lisa Mostin. À cause du manque de temps, la Reine de la nuit se voit obligée de chanter exclusivement ses airs dans la langue originale de l’œuvre et plus bas que la tonalité écrite. Malheureusement et dans ces circonstances, le résultat est ici très loin de l'engagement scénique remarqué par le public.
La basse Tomislav Lavoie est un Sarastro fort en voix, guidé par un jeu sobre. Le chant est projeté et timbré dans sa globalité avec, cependant, quelques difficultés de volume dans les graves. Le ténor Olivier Trommenschlager incarne un Monostatos théâtral et comique à travers un jeu investi et des effets de voix amusants. Les lignes du personnage s’entendent à travers une ligne contrôlée et authentique.
Les trois dames, interprétées par Suzanne Jerosme dotée d’une ligne articulée et pure, Marie Gautrot au timbre sec mais énergique, et Mélodie Ruvio aux harmonies chaudes et élégantes, déambulent et s’accordent avec aisance et souplesse à travers leurs trios rebondissants.
Le rôle de l’Orateur est attribué au baryton Matthieu Lécroart, présent par une prosodie généreuse. Dans le double rôle des Prêtres et des Hommes en armures, le ténor Matthieu Chapuis au timbre cristallin et précis s’adapte avec la voix brillante et boisée du baryton Jean-Christophe Lanièce. La Papagena pétillante revient à la soprano Pauline Feracci, au timbre vibrant possédant de charmants aigus.
Les trois enfants, dynamiquement interprétés par Tanina Laoues au timbre riche et lyrique, Emma De La Selle au son léger et harmonieux et Garance Laporte-Duriez, au jeu légèrement plus réservé mais à la voix claire et juste, apportent une fraîcheur entraînante.
Dans la direction de l’Orchestre Régional Avignon-Provence, Hervé Niquet brille toujours par son dynamisme, permanent et contagieux, en gestes amples et souples. Le chœur, en fosse, est toujours juste et présent pour ses courtes interventions.
Les avis du public exprimés à l'issue du spectacle semblent très partagés, comme l'accueil à la fin du spectacle.