Annick Massis et Giuseppe Verdi à l’Instant Lyrique
Annick Massis compte à son actif plus de 70 rôles à l’opéra,
dont plusieurs de Giuseppe Verdi comme Gilda et Traviata. Mais durant
ce récital à L’Instant Lyrique donné au sein de l’auditorium
de l’Éléphant Paname, elle se mesure à des airs
d’opéras du compositeur extraits
d’ouvrages jamais abordés à la scène. Au-delà de ses triomphes
répétés, dont le dernier en date recouvre sa prise du rôle de Lucrèce Borgia de Donizetti en janvier dernier au Théâtre du Capitole de Toulouse, Annick Massis ne s’endort jamais sur ses
lauriers. Elle qui n’a certes plus rien à prouver à ce stade de
sa carrière, semble toujours rechercher la difficulté et la
nouveauté. Elle affronte ici avec aplomb une tessiture de lirico,
voire même de lirico-spinto, un appui à priori assez éloigné de ses moyens
naturels.
Le concert s’ouvre par une mise en bouche constituée de quatre mélodies en langue italienne, dont une insolite traduction d'Après un rêve (Levati sol...) de Gabriel Fauré mais aussi du Schubert et Ravel en italien. La voix demande désormais un peu plus de temps pour s’échauffer et pour stabiliser un vibrato un peu accentué, mais qui tend à s’estomper au fur et à mesure du déroulé de la soirée. La musicalité insondable, le contrôle du souffle permanent, malgré un ou deux petits incidents de parcours, caractérisent le chant d’Annick Massis. Elle révèle par ailleurs un médium charnu et un même un grave peu exploité jusqu’à présent. La magnifique quatrième mélodie, I’ vidi in terra angelici costumi de Franz Liszt sur un texte de Pétrarque, la trouve inspirée par le phrasé poétique.
Verdi apparaît ensuite avec la rare Romance de Medora tirée du Corsaire qui lui permet surtout d’asseoir ses marques avant d’aborder Le Trouvère et l’air de Leonora D’amor sull’ali rose. Quoiqu’un peu large pour elle, cette aria permet à Annick Massis de déployer ses ressources techniques tout en puisant à des forces dramatiques que Lucrezia Borgia lui a permis de plus savamment exploiter. Les longues phrases de l’air d’entrée de Maria dans Simon Boccanegra Come in quest’ora bruna l’éprouvent un peu, mais le personnage est clairement présent, vivant. Avec Les Brigands et le rôle d’Amalia (Venerabile o padre), créé à la scène par le rossignol suédois Jenny Lind, Annick Massis s’envole vers des terres plus connues, entre vocalises, aigu brillant et lumineux. L'auditoire demeure muet devant son approche enflammée de l’air d’Hélène Il respire…ô transport du rarissime Jérusalem : un ravissement confronté à la sincérité d’une artiste qui joue franc jeu avec simplicité et modestie.
En bis, elle propose l’air d’entrée d’Adrienne Lecouvreur de Cilea traduit au plan de l’intention, puis pour s’amuser, Fior di margherita de Luigi Arditi en forme de Polka où la cantatrice et le pianiste se répondent à qui mieux mieux avec comme un grain de folie mais aussi de volupté. Antoine Palloc, accompagnateur et ami d’Annick Massis, lui assure une sécurité de chaque instant basé sur une confiance qui ne cesse de s’affirmer, en une complète complicité musicale. Tant d’amour s’exclame Annick Massis très émue par l’accueil du public et ses applaudissements enthousiastes.