Récital lyrique harmonieux à plus d’un titre à l’Opéra de Vichy
La
Traviata,
Turandot,
Rigoletto…
Que de chefs-d’œuvre
de l’opéra
sont inscrits au programme de ce rendez-vous de fête proposé au
public vichyssois
en cette fin d’année. Mais autant de partitions qui, en
l’occurrence, ne sont pas confiées à un orchestre symphonique
habituellement attendu en de lyriques circonstances. Sur scène,
c’est une phalange uniquement composée d’instruments à vents et
de percussions (avec le renfort d’une contrebasse et d’une harpe)
qui prend place : l’Orchestre d’harmonie de Vichy. Une
formation au statut certes semi-amateur, composée en grande partie
d’élèves et de professeurs du conservatoire de musique local (qui
vient d’ailleurs de se doter d’un bâtiment ultramoderne au cœur
de l’agglomération vichyssoise), mais qui compte parmi les acteurs
phares de la vie culturelle dans
la cité thermale. Chaque année, cet orchestre riche de 80 musiciens
donne près d’une vingtaine de concerts, auxquels participent
régulièrement des instrumentistes de renom (Romain Leleu, François
Dumont, Michel Becquet). Il compte aussi parmi les rares
orchestres d’harmonie français a être régulièrement invité au
Festival d’été d’Innsbruck.
Une formation appréciée du public local, donc, rodée à l’interprétation d’œuvres spécifiquement écrites pour ensembles à vent, comme de retranscriptions de partitions symphoniques et lyriques. En ouverture de ce concert donné dans un lieu où il a depuis longtemps pris ses aises (et où il fait toujours salle comble), l’Orchestre d’harmonie de Vichy commence ainsi par faire l’étalage de tout son savoir-faire dans une Suite symphonique sur des thèmes de La Bohème, orchestrée par le Neerlandais Christiaan Janssen (spécialiste des retranscriptions pour ensembles à vents). Avec finesse et subtilité, notamment aux pupitres des bois et des trompettes (qui se substituent aux voix de ténor et de soprano), l’orchestre parvient savamment à faire oublier l’absence des cordes et de leurs fougueux élans de tutti, livrant une retranscription sensible et riche en couleurs des mélodies les plus connues de Puccini.
Deux jeunes solistes qui se font connaître
Mais puisque l’ordre du jour est à l’interprétation d’un programme lyrique bel et bien chanté, les instrumentistes cèdent vite la vedette à leurs invités, deux solistes certes peu connus du grand public, mais à la (jeune) carrière déjà bien remplie. Originaire du Pays basque espagnol, la soprano Ainhoa Zuazua Rubira, formée à Madrid puis à Vienne, compte déjà à son répertoire quelques grands rôles de sa tessiture : Mimi, Donna Anna, Micaëla (preuve de sa polyvalence, elle a aussi été vue au printemps dans un spectacle mêlant opéra et comédie musicale, au Théâtre Déjazet). Rémy Poulakis, lui, est un local de l’étape : formé à Saint-Étienne puis à Lyon, ce diplômé d’accordéon classique se présente au public vichyssois avec là aussi un beau CV : le Duc de Mantoue, Don José, Tamino comptent entre autres parmi ses récents rôles lyriques endossés à l’invitation de diverses compagnies artistiques.
Deux
chanteurs aux parcours divers, donc, loin d’être uniquement dédiés
aux répertoires d’opéra,
ce qui n’empêche en rien l’exécution de performances emplies
d’aisance, de vaillance dans le chant et d’un sens affirmé de la
pratique lyrique. Voix claire et chaudement timbrée, parfaitement
audible sur une large étendue de sa tessiture, la soprano Ainhoa Zuazua Rubira dévoile un instrument vocal, aux capacités pleinement
mises en exergue dans les
incarnations
de Mimi (« Si
mi chiamano Mimi »)
puis de Violetta (« Sempre
libera »).
Avec une gestuelle et un visage expressifs, la jeune chanteuse
(aperçue au concours international
de chant de Clermont-Ferrand en 2011) est aussi une Madame Butterfly au charmant « Un
bel di Vedremo »
tissé sur le fil d’une ligne vocale certes pas des plus ardentes,
mais ne cessant jamais d’être claire et disposée à délivrer de
généreux aigus.
Avec sa voix tout aussi claire au timbre coquet, et non sans un certain charisme scénique, Rémy Poulakis s’illustre avec brio également, notamment en endossant avec maîtrise (et une gourmandise perceptible) les rôle de Rodolfo (« Che gelida manina ») puis de Cavaradossi (« E Lucevan le Stelle »). En Duc de Mantoue frivole et volage (« La donna e mobile »), le jeune ténor expose également une voix d’autant plus expressive et charnue à mesure qu’elle se rapproche de notes aiguës gaillardement émises.
Juste équilibre de l’Orchestre d’harmonie de Vichy
En duo, et notamment en amoureux aux doux rêves d’avenir (« Parigi o cara »), les deux chanteurs affichent une complicité scénique autant qu’une complémentarité vocale, portée par une même expressivité dans le chant, et par un souci commun de varier les couleurs pour susciter autant d’émotions diverses. Partagée entre les deux voix, l’interprétation de l’inévitable « Nessun Dorma », qui vient clore le programme du concert, est vibrante à souhait.
Mais, à l’instant de clore ce feu d’artifice de grands et indémodables airs lyriques, les chauds applaudissements du public ne viennent pas seulement couronner la prestation des chanteurs. Ils saluent aussi l’impeccable prestation de l’Orchestre d’harmonie de Vichy qui, sous la baguette de Bruno Totaro, ne cesse jamais d’être constant dans le souci de l’éloquence musicale et de la variété des sonorités (triomphales et tonitruantes lorsque nécessaire, plus suaves et modérées à d’autres instants). Ainsi, à renfort de diversité dans les nuances comme dans le tempo, et avec une justesse jamais prise à défaut, c’est un juste chemin entre harmonie et lyrisme que trouve ici l’orchestre vichyssois, gâtant son public en interprétant en bis une réorchestration de l’ouverture de Carmen. Un joli cadeau, tout aussi chaudement applaudi.