Larmes de Grâce dans la Chapelle Royale du Château de Versailles
Le programme est bâti sur un thème précis et poignant, les larmes de grâce : un parcours musical en compagnie des personnages bibliques qui ont œuvré, par leurs souffrances, pour la rédemption divine. Les larmes du juge Jephté face au sacrifice de sa fille (dans l’oratorio Jephté de Giacomo Carissimi), les larmes de Saint Pierre pour avoir renié Jésus (Marc-Antoine Charpentier), les larmes d’angoisse de Jésus (Crucifixus à huit voix d’Antonio Lotti et Miserere de Gregorio Allegri), coulent en musique vers les larmes de la Vierge (Sébastien de Brossard, Stabat Mater). Les interprètes mettent le lyrisme typique des compositeurs italiens et la délicatesse des français au service de ces sentiments et mystères.
L’ensemble des instrumentistes s’appuie sur l’assise virtuose de l’orgue et du clavecin, enrichie par les timbres charpentés du basson, les accords des théorbes et les mélodies filées aux violes. Les instruments et les gestes du chef épousent l’expression du pathétique contrôlé (notamment via la précision élégante des phrasés) qui se déploie aux voix.
La soprano (dénommée ici "dessus", conformément à la nomenclature ancienne des registres) Juliette Perret installe une riche voix qu’elle sait pourtant allonger en l’affinant pour faire les échos des petits ensembles. La soprano Virginie Thomas est admirée du public pour la beauté de sa robe violette et son interprétation bouleversante en fille de Jephté, avec la sûreté de son sacrifice et de sa ligne vocale (qu’elle emploie également en gardienne dans Le Reniement).
La voix sonore du haute-contre Nicholas Scott sert l’apôtre Pierre dans son orgueil avant qu’il ne s’effondre (dans l’intention expressive mais nullement dans le soutien vocal) en reniant Jésus. Taille (ténor plus grave), Antonin Rondepierre porte vocalement bien son nom, avec une voix franche mais souple, phrasée avec délicatesse. Enfin, la voix profonde et chaleureuse de Cyril Costanzo sert de fondation aux ensembles et à l’incarnation de Jephté.
Virgile Ancely est plus en retrait (son chant se fait récit, doux et suave), tout comme Anaïs Bertrand (mais cela convient à son rôle de servante pour Le Reniement et la douceur des petits ensembles), ainsi que Floriane Hasler qui est un écho subtil. Jonathan Spicher, qui chantait Les Arts Florissants de Marc-Antoine Charpentier à quelques pas de là, dans la Cour de Marbre au Château de Versailles en fin de saison dernière, revient avec ses résonances caractéristiques de haute-contre, en souplesse vocale.
La direction musicale de Gaétan Jarry, dynamique, empreinte de couleurs et subtilités, émeut une nouvelle fois son public, qui lui répond par un tonnerre d'applaudissements.