Le patrimoine choral français par Martina Batič à la Maison de la Radio
L'une des quatre phalanges de Radio France, son Chœur, donne ce concert en collaboration
avec France Musique, l'une des quatre antennes de la maison ronde dédiée à
la culture. Quatre œuvres religieuses de quatre
compositeurs français, écrites pour chœur à quatre voix mixtes dans quatre périodes différentes sont proposées pour ce concert à
l’Auditorium de la Radio. Ces quatre styles et langages musicaux distincts
sont portés par les quatre solistes invités (trois
chanteurs et un organiste), le tout formant quatre entités (chœur,
soliste vocal, organiste et cheffe) réunis sous l’égide de la Directrice slovène Martina Batič, qui mène sa phalange dans le
premier des quatre concerts de la saison consacrés au chant sans
accompagnement orchestral.
Trois quarts du répertoire est interprété en langue latine, ici savamment prononcée et intelligiblement articulée par les chanteurs du Chœur de Radio France qui, par métier et vocation, sont souvent menés à explorer divers domaines linguistiques. La plus ancienne des œuvres à l’affiche est cependant écrite en français, un siècle avant le Concile de Vatican II qui permettra l’office religieux en langues nationales-vernaculaires. Il s’agit du Cantique de Jean Racine (créée en 1866) par un tout jeune Gabriel Fauré (pourtant maître de chapelles) dont, outre le choix de langue, les transgressions (pour le clergé de l’époque) sont aussi d’ordre musical. Au-delà de la prosodie de la prière exprimée avec expression et attention, les choristes pénètrent dans le tissu polyphonique de la partition par un son équilibré, délicatement coloré par le doux accompagnement de l’orgue (joué par Mathias Lecomte).
La plus grande part du programme est dédiée aux âmes défuntes. Pour ces œuvres aux idiomes très différents, Martina Batič adapte la configuration scénique des chanteurs (demi-cercle ou formation en deux rangs) afin d’offrir une émission vocale conforme aux exigences de la composition. Umbrae mortis (L’Ombre des morts) de Pascal Dusapin, qui foisonne d’effets sonores (échos, chuchotement, déclamation ou chant bouche fermée), exploite les capacités vocales des voix masculines par l’exploration des extrémités de leurs tessitures respectives. Par ailleurs, les sopranos portent la principale expression mélodique, dont la ligne vocale, à l’aide de l’architecture de la salle, retentit élégamment tout en illuminant l’architecture de l’écriture musicale de l’œuvre. Leurs suraigus, quoique précis et stables dans la tonalité, sont un peu aigres. Les basses forment un appui rond et épais dans l’assise, manifestant aussi la puissance du diapason élevé, tandis que les altos se distinguent par les fins cadencements de leurs phrasés. Dans le Requiem de Duruflé, la cheffe tient assurément et toujours les rênes de la gradation dynamique, couronnée par un fortissimo exaltant (Hosanna in excelsis) où la prononciation isorythmique du texte s’avère particulièrement efficace.
La soprano Claudine Margely intervient dans les Quatre Motets pour un temps de pénitence de Poulenc, sa voix arrondie s’inscrit soigneusement dans le caractère contemplatif de la pièce, le vibrato étant mesuré et la projection dosée. Pie Jesu du Requiem (Duruflé) fait paraître la mezzo-soprano Isabelle Druet, qui se présente par un timbre foncé mais tendre, tissant les fines et douces lignes mélodiques du chant grégorien. L’articulation du latin est respectable, l’élégance de son piano s’aligne avec le jeu intime de l’orgue. Le baryton Mark Pancek arbore une voix timbrée et vibrée, dont les ondulations sonores dépassent quelque peu la mesure. La projection dans l'Hostias est réservée, avant d’être déployée sur Libera me, créant un juste contraste par rapport aux choristes.
Le concert s’achève sur un ton de douceur angélique avec In Paradisum (Au Paradis), méritant les fortes acclamations de l’ensemble du public.