Benjamin Bernheim enchante La Grange au Lac d’Évian
Ouvrir la soirée avec Les Nuits d’été d’Hector Berlioz reflète l'indépendance du chanteur et son souhait d’aborder le répertoire de la mélodie. Il franchit avec soin et habilité les difficultés de transposition posées par la version pour ténor. Certaines mélodies apparaissent un peu graves pour cette voix lyrique (Au Cimetière notamment) mais, tout au contraire, la voix s’éclaire par une émission haute et vibrante dans la Villanelle qui ouvre le cycle ou L'Île inconnue qui vient le conclure.
Tout le cycle, dans son interprétation, baigne d'une juste ambiance poétique, un climat affectif qui enchante. La beauté du pianissimo, le diminuendo entièrement maîtrisé, la tendresse absolue dont il entoure le mot albâtre du Spectre de la rose, démontre les affinités de l’artiste avec la musique de Berlioz et le texte de Théophile Gautier. L’auditeur comprend chaque mot tant la prononciation est soignée.
L’opéra s’invite en seconde partie avec en premier lieu l’air de Lenski d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski, "Kuda, Kuda". Benjamin Bernheim y déploie une approche intériorisée et toute d’intensité mesurée que la pureté de la ligne vocale, le legato, viennent renforcer : assurément, un grand rôle en devenir. En fermant les yeux extrait de Manon de Massenet touche au style opéra-comique : morceau comme effleuré, chanté presque du bout des lèvres et d’une troublante fragilité, mené tout en subtilité pour évoquer la profondeur de l’amour de Des Grieux pour la trop futile Manon. Nature Immense de La Damnation de Faust de Berlioz, un peu large encore aujourd’hui est interprété avec style et sans aucun pathos, laissant entrevoir d’autres possibilités d’évolution de carrière tandis qu'Ah ! Lève-toi soleil de la scène du balcon (Roméo et Juliette de Gounod) voit, à la jeunesse de son approche et au timbre radieux, s’ajouter une quinte aiguë, symbole d’un placement vocal de grande classe.
En bis, Una furtiva lagrima tirée de L’Élixir d’amour de Donizetti, puis Pourquoi me réveiller du Werther de Massenet sont offerts sans partage. La direction musicale de Nicolas Chalvin à la tête de l’Orchestre des Pays de Savoie demeure surtout attentive à le suivre ou le mettre en valeur. L'animation et l'investissement dans la belle acoustique des lieux prend sa mesure avec les deux extraits du ballet dans Faust de Gounod.
Le premier récital enregistré par Benjamin Bernheim paraîtra le 8 novembre prochain chez Deutsche Grammophon avec Emmanuel Villaume à la tête du Philharmonique de Prague pour un programme d’airs français, italiens et russes. Il se produira par ailleurs en récital sur la scène de l’Opéra de Bordeaux le 27 novembre auprès de la très prometteuse soprano Adriana Gonzalez, premier prix au concours Operalia 2019 (et interviewée par Ôlyrix à cette occasion).