Stéphane Degout ouvre "La Belle Saison" au Théâtre des Bouffes du Nord
Le
récital ouvre
la nouvelle édition
de "La Belle Saison", initiée en 2013 par les
Bouffes-du-Nord comme un cycle de concerts chambristes.
Le
récital s’ouvre par
un cycle emblématique de la mélodie française : La
bonne Chanson
de Fauré sur un
recueil
de Verlaine. Le raffinement et l’intimité de la mélodie se
poursuit, tout
en
poursuivant l’hommage à la compositrice Lili Boulanger (le
centenaire de sa disparition était commémoré l’année
dernière) : Clairière
dans le ciel,
Nous
nous aimerons tant,
Vous
m’avez regardé avec toute votre âme,
ou encore Reflets
semblent
lui chanter et jouer directement le duo en hommage, comme s’adressant
à elle par ses notes et les mots de Francis
Jammes ou Maeterlinck. Hommage
toujours, et en traversant le Rhin vers l’autre grande tradition
mélodique du piano-voix : les ultimes Lieder
de Schubert regroupés dans le Chant
du cygne.
Ce répertoire plus sombre met en valeur la tessiture et la couleur du baryton. Comme une suite de différents tableaux, il tient à traduire les différents propos des poèmes. Sa voix parlée chaude et convaincue met d’emblée en relief le lyrisme dramatique sincère d’un cœur semblable à la mer, sujet aux marées, aux tempêtes, et qui renferme parfois une perle. Stéphane Degout chante la mélancolie et la douleur avec justesse et sans affectation outrancière. Le compositeur Hugo Wolf et le poète Eduard Mörike sont également à l’honneur, en un mélange de gravité et de majesté propres au romantisme allemand. D’abord tourmentés puis bouillonnants, les airs atteignent leur acmé dramatique quand, au terme d’une gradation ascendante d’accords terribles, le baryton soupire en chœur avec le piano.
Son français est teinté d’un clair-obscur, celui de Verlaine et de Tristan L’Hermite, savoureux et fidèle à Debussy, à ses ondulations musicales pareilles au bruit de l’eau, à son impressionnisme doux et puissant, joués par le pianiste (dont la subtilité inspirée donne à entendre tous les chromatismes d’une époque musicale déjà engagée vers la modernité). Ode à la poésie, ce récital rend compte d’un souci aigu d’articulation, de la part des deux musiciens.
Face au succès de sa prestation, le baryton et son complice au piano redonnent un peu de légèreté à la salle avec trois airs supplémentaires : avec Fauré les éclaircies mélodiques apaisent le cœur battant du public tenu en haleine pendant le dernier air, magistral, de Wolf. Avec Schubert, Du bist die Ruh, une sensualité pudique montre les différents aspects de la couleur de voix du baryton. Enfin, le point d’orgue est donné avec Debussy : la douceur du mouvement des arpèges et l’obstination des chromatismes joués témoignent, une fois de plus, d’un duo épanoui.