La Neuvième symphonie de Beethoven puissance trois à l'Opéra de Vichy
Ayant
acquis un statut national en début d'année 2019, l'Orchestre
d'Auvergne voit par ce concert l'occasion de retrouver une salle où
il est fréquemment invité. Dirigée par l'énergique chef Roberto Forés Veses, la phalange reçoit pour l'occasion le renfort de
jeunes musiciens du Conservatoire national supérieur de musique et
de danse (CNMSD) de Lyon, formant ainsi un ensemble où se côtoient
musiciens expérimentés et jeunes instrumentistes en devenir.
L'orchestre ainsi formé parvient sans mal à soutenir l'intensité
de l'œuvre, avec une montée en puissance à mesure de
l'enchaînement des mouvements.
70 choristes français et allemands
Chez les cordes comme chez les cuivres (les jeunes cornistes s'illustrant notamment), sans oublier bois et percussions, la partition est interprétée sans fausse note, avec une appréciable synchronisation entre pupitres. Un défaut d'emphase dans l'expression des nuances se fait toutefois remarquer à quelques reprises, notamment dans les passages les plus expressifs (tels ceux du Scherzo) où quelques fortissimi souffrent de ne pas être davantage marqués, particulièrement chez les cordes où les coups d'archets pourraient être appuyés plus encore lors des instants les plus "héroïques" et théoriquement exaltants de la partition. À considérer la jeunesse globale de l'effectif, il n'y a toutefois pas là de quoi assombrir la performance d'un orchestre qui reçoit l'ovation méritée après une heure dix de musique particulièrement intense.
Aux côtés de ces instrumentistes (derrière, en l'occurrence), la partie chantée, est assurée dans le quatrième mouvement par l'association de deux formations : le Chœur régional d'Auvergne dirigé par Blaise Plumettaz, et la Chorphilharmonie de Regensburg, conduite par Horst Frohn. Un chœur mi-français mi-allemand composé de 70 choristes, qui ne font finalement qu'un dans l'expression du langage chanté, avec une prédominance de voix féminines claires et homogènes qui se marient efficacement à de chaudes voix masculines. Les crescendi sont idéalement marqués mais le choix, en revanche, de ne pas faire de rangées mixtes (les hommes sont seuls sur la dernière rangée) peut sans doute se discuter, tant cela aurait sûrement pu contribuer, à défaut d'avoir un effectif pléthorique, à renforcer la fusion des tessitures.
Des solistes qui s'illustrent
Placés devant le chœur mais derrière l'orchestre, les solistes démontrent les dispositions vocales attachées à leur réputation. Premier à donner de la voix dans l'attendue Ode à la Joie, le baryton Jochen Kupfer use d'un timbre ardent et puissant, pleinement épanoui dans les graves (même s'il reste brillant sur toute la ligne). En outre, origines allemandes oblige, le chanteur sert pleinement l'interprétation du texte de Schiller. À ses côtés, le ténor catalan David Alegret tente de se mettre au diapason, et non pas seulement à renfort de mouvements de corps généreux. Sa voix est celle d'un ténor léger qui, quelque peu nasale, n'en est pas moins lotie d'une certaine brillance dans des aigus. Malgré une projection manquant d'éclat, il franchit la barrière de l'orchestre sans besoin de forcer l'instrument outre mesure.
Chez les voix de femmes, Karina Gauvin et Josè Maria Lo Monaco cohabitent harmonieusement, sans que ni la soprano ni la mezzo ne se fassent jamais d'ombre, avec un souci partagé de la générosité vocale comme de l'articulation du phrasé. Claire et emplie de sensibilité, la voix de soprano de Karina Gauvin se distingue tout particulièrement, laissant percevoir un agréable sens de l'élasticité dans l'expression et le respect des nuances. De la mezzo italienne Josè Maria Lo Monaco, les quelques interventions laissent entrevoir un timbre certes pas excessivement puissant dans l'émission, mais néanmoins chaud et clair sur un large ambitus, avec un agréable sens de la musicalité.
C'est sous de vives ovations que ces quatre interprètes de la Neuvième sont rappelés à quatre reprises par le public de l'Opéra de Vichy conquis par ce concert. Un public qui a désormais rendez-vous, le 10 novembre, pour Ernani qui, là non plus, ne devrait pas manquer d'attrait.