Elias de Mendelssohn prend vie au Théâtre des Champs-Élysées
Si Felix Mendelssohn avait fait le choix d'écrire son oratorio Elias en langue allemande, la création de l'œuvre à Birmingham en 1846 se fit pourtant dans son adaptation en anglais, version choisie ce soir par les deux formations britanniques. Le chœur sert sa langue maternelle avec une diction et une projection des consonnes tout à fait admirées, tandis que l'orchestre, sur instruments d'époque, donne un son organique et vivant à la partition. Les cuivres sont brillants sans être durs, les cors délicieusement feutrés, les timbales d'une puissance toute biblique. Les cordes, souples et charnues, savent moduler leurs accents et se faire percutantes dans les moments fatidiques. La gestuelle de Suzuki est simple et efficace, sans fioritures, offrant une direction tout en finesse, pleine de goût, et montrant un grand respect de l'écriture riche et complexe de Mendelssohn.
Les voix d'hommes du chœur sont particulièrement brillantes, et les voix de femmes parviennent à s'y lier avec harmonie. Les 28 chanteurs créent ainsi un son homogène qui s'accorde passionnément avec celui de l’orchestre. Les moments dramatiques sont servis avec beaucoup de ferveur et de caractère, tandis que les passages plus paisibles gagnent en douceur et en délicatesse. Parmi les quelques membres de l’ensemble qui se produisent en solistes ou en groupe réduit, tous avec talent, Emma Walshe s’illustre particulièrement dans le rôle de l’Enfant, dévoilant un timbre pur et scintillant, vibré sans tension.
Dans le rôle du prophète Elias, Roderick Williams possède une présence qui semble vivre intensément chaque note, ne quittant pas son incarnation tant que la dernière note ne s’est pas éteinte et même alors, il prend quelques instants pour revenir à lui-même. Son timbre est aussi métallique dans les graves que brillant dans les aigus, qu’il aborde avec beaucoup de délicatesse, sans jamais donner la moindre impression de forçage. Il manipule son timbre avec sensibilité, intelligence, et sa tendance à ouvrir exagérément les voyelles l’aide à déployer un son très libre et soyeux.
Pour incarner la Veuve et l’Ange I, la soprano Carolyn Sampson développe une voix très souple et mature, malgré une tension visible de la mâchoire. En soliste ou en duo, elle fait preuve d’une musicalité certaine et d’une grande expressivité. À ses côtés, la mezzo-soprano Anna Stéphany (La Reine et Ange II) déploie quant à elle le timbre d’un phrasé très musical, associé à une longueur de souffle qui lui permet les plus belles subtilités.
Le ténor Brenden Gunnell étant annoncé souffrant, c’est son collègue Robert Murray qui le remplace dans les rôles d’Abdias et Achab. Pleinement à son aise dans cette vocalité, il montre des graves particulièrement intéressants, sans oublier une aisance dans les aigus.
Cette interprétation redonne vie à une œuvre peu jouée du compositeur allemand, avec ferveur, passion, et énormément de respect pour la partition. Avec un grand succès, surtout.