Pour ses 10 ans, Bru Zane célèbre la musique romantique française au TCE
Le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française, fête 10 ans de recherche et de redécouverte ayant déjà permis de redonner vie à des chefs-d’œuvre oubliés de compositeurs connus (La Nonne sanglante de Gounod, Maître Péronilla d’Offenbach, La Reine de Chypre d’Halévy, etc.) mais aussi de sortir des compositeurs importants de l’oubli (Benjamin Godard, Etienne Nicolas Méhul, Hervé, etc.). Ce travail, financé par les dotations accordées par Nicole Bru, se fait du rire (notamment avec les Bouffes de Bru Zane mettant à l’affiche des opérettes en un acte) aux larmes (avec des tragédies comme Phèdre de Lemoyne). Ce sont notamment ces compositeurs et ces œuvres, mais aussi les artistes qui les servent, qui étaient célébrés au Théâtre des Champs-Elysées en ce Gala des 10 ans.
Malgré le peu de temps de répétition disponible, Romain Gilbert (notamment à l’œuvre dans les Bouffes de Bru Zane) met le concert en espace dans un esprit de camaraderie laissant la place à l’humour d’opérette en vogue en France à partir du milieu du XIXème siècle. Antoine Philippot, en mime-maître de cérémonie, ne pipe note mais organise les tableaux. A l’inverse, Olivier Py invite son personnage de Miss Knife (à l’œuvre dans la production en tournée de Mam’zelle Nitouche), qui pousse une chansonnette d’Edmond Audran, en compagnie de Rodolphe Briand, dont la voix claire et franche ainsi que la diction théâtrale sont appréciées. Représentant également le répertoire léger, Flannan Obé (au ténor gouailleur) et Lara Neumann (au chant piquant et aux aigus puissants et acidulés) reprennent un extrait du Faust et Marguerite dont la tournée se poursuit cette saison, tandis qu’Ingrid Perruche chante l’air de la Duchesse Totoche, extrait des Chevaliers de la Table ronde qu’elle a eu l’occasion de roder et dont le comique fait mouche.
Dans le clan (séparé par des éclairages) des chanteurs « sérieux », Judith van Wanroij fait la transition, parvenant d'abord à rendre comique l’air tragique de Phèdre par ses mimiques et ses « r » exagérément roulés. Ses aigus souverains reprennent cependant rapidement le dessus pour dépeindre le désespoir du personnage. Véronique Gens, à la voix solide et au timbre sobre, fait face à Cyrille Dubois, au grain clair et à la diction brodée, dans Lancelot de Victorin Joncière. Tassis Christoyanis passe outre un oubli de texte pour offrir une extatique Extase de Saint-Saëns, d’une voix pleine et chaude. Chantal Santon-Jeffery fait une démonstration de chaudes trilles et vocalises dans Charles VI d’Halévy. Enfin, dans Adrien de Méhul, Edgaras Montvidas expose une voix vigoureuse et très lyrique au large vibrato (et, exception dans ce plateau vocal, un accent dans sa diction du français).
Après un mot d’hommage à Nicole Bru, prononcé par le chef Hervé Niquet (sans son traditionnel costume, mais avec ses habituels humour et enthousiasme), l’hymne des Chevaliers de la Table ronde est offert en double bis, donnant l’occasion à Marie Gautrot d’exposer une voix épaisse et fruitée. La bonne humeur du plateau déteint sur le public qui s’en retourne curieux et impatient de retrouver ces œuvres méconnues sur de nouvelles scènes.