Les Folies de Stéphanie d’Oustrac au Festival d’Ambronay
Le troisième week-end du Festival d’Ambronay, qui célèbre son 40ème anniversaire, s’ouvre avec un récital de la
mezzo-soprano Stéphanie d’Oustrac et de l’Ensemble Amarillis
mené par la hautboïste Héloïse Gaillard et la claveciniste (et
cheffe du chant) Violaine Cochard. Ce projet conçu par la Directrice
artistique d’Amarillis (Héloïse Gaillard) s’articule autour de
la Folie, sujet et personnage cher aux auteurs de l’époque baroque. Le programme est donc thématique, divisé en sept
parties, avec une trame qui guide l’auditeur à travers les
multiples états émotionnels de Dame Folie (tour à tour
joyeuse, sensuelle, amoureuse, passionnée et désespérée).
Stéphanie d’Oustrac incarne ce personnage polychrome, représenté en tant que tel chez Campra et Destouches, ou bien sous d’autres noms et formes chez Marais, Haendel et Purcell qui sont à l’honneur ce soir à l’Abbatiale d’Ambronay. Son intervention débute avec un air du Prologue des Fêtes vénitiennes d’André Campra ("Accourez, hâtez-vous"), très dynamique mais trop hâtif, au détriment des détails qui restent insuffisamment épanouis. Néanmoins, la suite qui s’affiche plus lyrique met en exergue l’expressivité de son art vocal, peignant la ligne mélodique par une palette de nuances dynamiques. Sa grande maîtrise technique lui autorise les traversées de ses divers diapasons sans entrave, ou bien l’adaptation à la variété des tempi changeant selon le sens du texte.
Dans deux airs de la folie de Purcell (Mad Bess et Mad Song), la mezzo française se montre habile et très persuasive. L'engagement dramatique livre les nombreuses expressions faciales et musicales (les soudains et élégants glissements et sautillements mélodiques) propres à l’inconstance sentimentale du délire fou. Sa voix aiguë et claire domine dans le sommet de sa tessiture qu’elle déploie fréquemment jusqu'à la forte ampleur sonore, laissant aussi épanouir sa voix de poitrine (parfois aux dépens de la netteté des paroles). Les passages dans les registres inférieurs perdent en poids et couleur, mais sont compensés par une intonation et rythmique toujours irréprochables, ainsi que la prononciation éloquente qu’il s’agisse de l’italien, du français ou de l’anglais. La douceur et sentimentalité des extraits lents, comme la lamentation d’un amour sans retour dans la cantate de Haendel (Ah! crudel nel pianto mio), semblent plus aboutis que ceux exploitant les passages mélismatiques, moins fluides.
La longévité de l’Ensemble Amarillis (fêtant son quart de siècle) repose sur l’excellente entente des différentes sections orchestrales qui
n’ont même pas besoin d’un chef d’orchestre, manifestant une
forte cohérence sonore. Cette confiance s’accomplit surtout dans
les compositions purement instrumentales qui sont interpolées dans
presque chaque partie du programme et qui renvoient au thème de la
folie (comme la Sinfonia de Reinhard Keiser où figure la
mélodie de Folia d’Espagne). Dans la cantate haendélienne,
cette collaboration d’interprètes se matérialise par un jeu
délicat d’appels et réponses entre les instruments, les musiciens
étant toujours prêts à répondre aux légères accélérations
du premier violon. Héloïse Gaillard présente un
jeu riche en finesse dans l’expression musicale, ainsi qu’en
élégance dans le phrasé, tantôt dans la douceur de l’Adagio
ou dans la virtuosité de l’Allegro.
Le sommet de la soirée arrive en bis avec La mort de Didon que Stéphanie d’Oustrac offre aux auditeurs, plongés dans l’extase tendre et hautement plaintive, avant d'éclater de joie et en applaudissements, témoignant ainsi sa grande admiration pour les artistes.