Parsifal referme le grand cycle Wagner par Gergiev et le Mariinsky à la Philharmonie de Paris
Comme c'était déjà le cas pour le Ring donné les deux dernières saisons dans cette même Philharmonie, Valery Gergiev impressionne d'emblée l'auditoire par l'évidence de la matière sonore tirée de l'Orchestre du Théâtre Mariinsky. Le chef multiplie ici les effets qui élèvent Wagner dans des sphères explicitement cinématographiques –sans doute par volonté de répondre à l'absence de mise en scène (venant confirmer la nécessité d'un travail scénographié, même pour une version de concert, afin d'éviter aux chanteurs le systématisme de gestes ou mimiques : le fait d'ouvrir les bras en basculant la tête en arrière ou prier à mains jointes dans les passages les plus inspirés).
D'autant que Parsifal, étant par nature une œuvre relativement statique, supporte assez bien la version de concert – mis à part les scènes où le mouvement l'emporte sur la contemplation, notamment lorsqu'une Verwandlungsmusik (musique de transformation) fait basculer d'une scène à une autre ou bien à la fin du II et du III lorsque la lance passe d'une main à l'autre. Contrairement à d'autres versions concert, comme celle que Gergiev avait donnée au Barbican Centre en 2012, l'absence de variation d'intensité lumineuse ou tentative de mise en espace réduit le Chœur à rester assis, attendant son tour.
L'acoustique de la Philharmonie prête à la pâte orchestrale des reliefs vif-argent et des contrastes, très éloignés du sfumato (acoustique vaporeuse) du Festspielhaus de Bayreuth qui, en plongeant l'auditeur dans une sorte de bain sonore sans orientation possible, participe à l'impression inoubliable des Parsifal (même de moindre qualité) qui y sont donnés. Gergiev opte pour des tempi très larges, à la limite de la componction dans le Prélude et le premier acte où la fébrilité des mains sculpte un décor sonore proche du pointillisme. L'animation et la véhémence du II est, de loin, le moment le plus enthousiasmant de la soirée. Gergiev dirige à bride rabattue, soulignant tantôt les tourments de Kundry, tantôt la cruauté de Klingsor. A l'acte III, il veut de nouveau faire résonner l'action dans les pâmoisons d'une cathédrale, au lieu d'un tempo général plus resserré. Les montées au Graal confondent initiation mystique et cérémonie laïque, le chef comme regardant la fumée d'encens qui monterait en l'air.
Le Gurnemanz de Yuri Vorobiev court après ses consonnes dans un récit du Graal au morne glacis. Le troisième acte le trouve plus à son aise, avec une capacité à timbrer et à animer le discours qui joue d'une projection désormais convenable. Alexeï Markov n'est pas cet Amfortas doloriste souvent proposé. Il sert le rôle avec la probité de ses moyens techniques irréprochables, même si l'on sent à plusieurs reprises qu'il se plie avec difficulté au caractère de Christ pantocrator. Yulia Matochkina joue des coudes pour camper les fureurs et les drames d'une Kundry qui lorgnerait vers un mélange de Tosca et Salomé. La santé vocale et la ligne impérieuse restent toutefois sur un seul plan expressif et théâtral.
Le Parsifal de Mikhaïl Vekua ouvre tout grand ses voyelles. Il faut s'habituer à ce timbre qui ne vise pas à séduire. Si Heldentenor (ténor héroïque, caractérisation vocale du rôle) et si peu reine Tor, (chaste fol, caractérisant le personnage), il rappelle la longue liste des ténors qui privilégient l'exhibition de leurs dons et de leur énergie, avant le texte et des arrière-plans plus subtils. Sur ce point, le Klingsor d'Evgeny Nikitin démontre qu'il peut être possible de faire oublier l'absence de scénographie grâce, notamment, à un instrument équilibré et dense. Les seconds rôles sont fièrement distribués, à commencer par l'assemblée de Filles-Fleurs à faire pâlir des chevaliers du Graal sérieusement déstabilisés au III lorsque Gergiev décide de doubler le tempo à la reprise.
La soirée recueille tous les éloges et les désirs de voir un jour Gergiev diriger l'œuvre en version scénique.
La @philharmonie debout pour un Parsifal qui prouve que Gergiev a réussi à faire du @mariinskyen une référence chez Wagner aujourd'hui. La marque des plus grands. Quelle soirée! pic.twitter.com/IbJJVDc2qd
— Florian Dintilhac (@flodintilhac) 22 septembre 2019
Tellurique #parsifal @philharmonie acte 2 incroyable ! ???????????????? pic.twitter.com/0vcQOrvxxW
— Guillaume (@GuillaumeHd9) September" class="redactor-linkify-object">https://twitter.com/GuillaumeH... 22, 2019