Le Centre de Musique Romantique Française et Tassis Christoyannis célèbrent Reynaldo Hahn à Venise
Tassis Christoyannis ouvre son récital tout en délicatesse, susurrant
la Chanson d’automne et L’Allée est sans fin
de Verlaine dans un legato qu’aucune reprise de souffle ne
vient briser (les respirations, habilement placées, sont quasi
imperceptibles) et dont les aigus, émis en voix mixte (entre voix de
tête et de poitrine), sont d’une ineffable douceur. L'élocution
est d'une grande clarté, le public n’éprouvant à aucun moment le
besoin de consulter les textes des mélodies. D’emblée, le ton est
donc donné : cette heure passée en compagnie de Tassis Christoyannis et du pianiste Jeff Cohen sera « L’heure
exquise » tant prisée des amateurs de poésie et de
musique (et titre d’une autre mélodie de Reynaldo Hahn sur un
texte de Verlaine) !
La délicate retenue des deux premières mélodies ne laisse en rien présager les envolées lyriques (la « basse infinie » dont la mer accompagne les caresses des amants dans Paysage), voire les éclats de violence désespérée (Quand je viendrai m’asseoir…) dont Tassis Christoyannis émaille également son chant quand le contexte l’exige. Tout est pensé dans le chant du baryton : la prononciation sensuelle et gourmande du « m » de « amour » dans Si mes vers avaient des ailes, la puissance progressivement accrue des trois « la vie est belle » qui, tel un refrain, viennent ponctuer les trois strophes du poème homonyme de Guillot de Saix, le contraste entre le fortissimo de « Vers votre foyer qui rit » et le pianissimo de « Ils accourraient nuit et jour » (Si mes vers avaient des ailes), la maîtrise du souffle permettant aux vocalises concluant les strophes de La Barcheta de déployer en toute liberté leurs sensuels mélismes vocaux… Et pourtant, aucun maniérisme, aucune sophistication : tout semble naturel, couler de source. Il en va de même avec la technique, à ce point maîtrisée qu’elle se fait oublier et que, pour un peu, certaines prouesses (l’attaque aiguë et pianissimo de la seconde strophe de Néère, par exemple) passeraient pour le B.A. BA du chant !
Tassis Christoyannis trouve en Jeff Cohen un frère en poésie, capable d’évoquer le ruissellement d’une source (Paysage), de créer une ambiance bucolique (Tyndaris), de galoper sourdement (Les Fontaines) ou de ciseler délicatement une ligne mélodique (À Chloris) avec le même bonheur.
Un programme et un art du chant qui suscitent l’envie de prolonger le voyage et de découvrir d’autres mélodies de Hahn : ce sera bientôt possible, Tassis Christoyannis ayant enregistré la quasi-totalité de ces mélodies, qui paraîtront en un coffret de 4 CD dès la fin du mois.