Spectaculaire Prise de Troie au Festival Berlioz
La Prise de Troie
constitue la première partie (actes 1 et 2) de l’opéra d’Hector Berlioz, Les Troyens. Bruno Messina -Directeur du
Festival- a d’ores et déjà annoncé que la seconde et majestueuse
partie de l’ouvrage, Les Troyens à Carthage, sera présentée
au cours de l’édition 2020 du festival, toujours en version
concertante. Mais cette Prise de Troie restera déjà gravée dans de
nombreuses mémoires, en premier lieu par la direction musicale
éblouissante de François-Xavier Roth. Son amour pour la musique de Berlioz s’allient dans sa baguette à son
ardeur infatigable pour la faire connaître et apprécier du plus
grand nombre.
Le Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz-Isère qu’il dirige ici, créé en 2010, constitue en soi une académie destinée aux jeunes musiciens en voie de professionnalisation au sein de diverses formations orchestrales. Des musiciens expérimentés de l’Orchestre Les Siècles encadrent ces jeunes étudiants et constituent le noyau dur de l'ensemble. Le résultat ne cesse de surprendre tant la phalange ainsi créée démontre plénitude et cohésion. La beauté des cordes et des harpes si essentielles dans cette partition, l’intervention des nombreux cuivres, notamment lors de la fameuse « Marche Troyenne », déploient une séduction musicale totalement assumée. Le geste de François-Xavier Roth s’avère toujours juste, à la fois appuyé et garant d’une réelle liberté, enthousiaste toujours et sans jamais occulter la tragédie qui se joue. Au fait de l’interprétation de la soirée se situe l’octuor, appuyé par le chœur au complet, Châtiment effroyable !, réunissant les 8 chanteurs à l’annonce par Énée de la disparition de Laocoon, tué par deux serpents surgis des eaux. Cette page spectaculaire laisse l’auditeur comme étourdi par sa force expressive et l’allure grandiose que lui donnent les interprètes réunis. Le duo Cassandre/Chorèbe constitue pour sa part un moment de grâce et de poésie : l’orchestre enrobe les chanteurs d’une aura tout de délicatesse et de suavité. Le Chœur de l’Orchestre de Paris -présent pour partie- préparé par son directeur, Lionel Sow et le Chœur Européen Hector Berlioz emmené par Anass Ismat, se donnent sans réserve, recevant une juste ovation de la part du public pour leur ardeur et leur précision.
Isabelle Druet prête ses authentiques moyens de mezzo-soprano au rôle crucial de Cassandre, lui conférant une grande dignité et une présence indéniable. Pour autant, la voix n’atteint pas tout à fait le volume requis. L’interprétation apparaît pour autant très soignée et d’une musicalité modelée. Après avoir chanté Iopas dans Les Troyens à Carthage à ses débuts, le ténor allemand Mirko Roschkowski a abordé à l’Opéra de Nuremberg en 2017 la totalité du rôle d’Énée. La voix s’élève franche et bien placée, un rien légère encore, claire somme toute, sans cette acuité qui confère au rôle toute sa grandeur (mais l’artiste est encore jeune). Le baryton Thomas Dolié s’empare du rôle de Chorèbe d’une voix ardente qui se déploie sans effort, fortement caractérisée et dramatiquement à l’unisson. Damien Pass, pour sa part, surgit d’une fenêtre sur le côté du théâtre, dans une lumière aveuglante, pour incarner l’Ombre d’Hector. Le grain de voix du baryton-basse est magnifié par la puissance effective et surtout la tenue vocale sans aucun défaut : l’illustre guerrier mort reprend ici tous ses droits et ses prérogatives.
Vincent Le Texier -basse- incarne un Priam tout de noblesse avec à ses côtés l’Ascagne au chant passionné d’Éléonore Pancrazi. Boris Grappe s’empare du rôle de Panthée et François Rougier de celui d’Hélénus avec talent et solidité. Le baryton Jérôme Boutillier fait encore mouche par la franchise de son émission vocale et une facilité réconfortante dans ses deux trop courtes interventions (un chef Grec, un soldat troyen). Complétant le plateau féminin, la soprano Isabelle Cals se fait radieusement entendre en Hécube au sein de l'octuor.
Ce concert sera diffusé sur les ondes de France Musique (et sur cette page) le 21 septembre 2019 à 20h. L’occasion de revivre une soirée longuement saluée par un public visiblement enchanté et justement impatient de la suite d’un Festival qui réserve bien d’autres soirées d’exception (à retrouver en recensions sur Ôlyrix).