La première création maison pour célébrer les 20 ans de Bach en Combrailles
Bercé sur les altitudes verdoyantes du département du Puy-de-Dôme, le Festival entièrement dédié à la musique du Cantor de Leipzig célèbre un double anniversaire : ses vingt ans et le 15ème anniversaire des orgues de l’église de Pontaumur, qui sont la réplique de celles de Thuringe en Allemagne sur lesquelles Bach étudiait dans sa jeunesse. Il s'agit en outre de la dernière année pour Antoine Anquetil à la tête de l’association chapeautant la manifestation, dont l’édition actuelle est couronnée par la première création, « œuvre ambassadrice » du Festival pour les temps à venir.
La commande passée à Philippe Hersant est une cantate construite sur la mélodie du choral pour orgue Nun Komm der Heiden Heiland (Viens donc Sauveur des gentils) BWV 659, initialement chantée par le public et les choristes accompagnés du grand orgue. Dans son œuvre, Hersant marie le baroque et le contemporain en s’appuyant en outre sur le procédé compositionnel qui structure la cantate Christ lag in Todesbanden BWV 4, où la mélodie subsiste dans chaque mouvement sous les différentes formes de variations (contrapuntiques et harmoniques). La polyphonie vocale est exploitée plutôt de manière verticale (par les harmonies) que linéaire (peu de jeux d’imitations entre les voix), créant une atmosphère sonore plaintive et mélancolique. Le compositeur part à la recherche des sonorités lumineuses par des registres et couleurs peu communes de l’orgue bachien et des harmoniques des violons qui représentent « l’au-delà » de l’univers musical. Si la cantate accorde la prévalence au caractère méditatif, elle n’est pourtant pas dépourvue de moments dramatiques comme un grand crescendo orchestral vers la fin de l’œuvre. Enfin, une partie soliste est confiée à la viole de gambe qui interprète la mélodie à la manière des grands compositeurs/improvisateurs baroques sur cet instrument.
L’ensemble d’artistes, réunis seulement quelques jours avant le concert, manifestent une homogénéité solide, excepté le début légèrement vacillant de la cantate Wir müssen durch viel Trübsal (Il nous faut traverser maintes tribulations) de Bach. La distribution vocale chambriste se porte bien dans l’acoustique, sous les voûtes de l’église pontaumurienne où Lionel Sow parvient à obtenir un juste équilibre entre parties individuelles et tutti, surtout avec la conclusion délicate du premier mouvement entonné avec beaucoup de finesse.
Les voix féminines arrondies résonnent tant en chœur qu’en solo, telle la contralto Alice Fagard qui déploie son potentiel sonore notamment dans les registres aigu et central, appuyé sur un diapason bas stable. Cette forte impression de son étendue vocale se conjugue avec une articulation respectable des notes et des paroles. La soprano Adèle Carlier arbore une voix radieuse et douce, souveraine dans les cimes de sa tessiture, remplissant tout l’espace et entretenant une bonne collaboration avec l’accompagnement d’orchestre. Le ténor Safir Behloul se présente avec la grande conviction d'une voix volumineuse qui domine la scène. Sa prononciation de l’allemand est irréprochable, à l’instar d’un Évangéliste des Passions de Bach, associé avec une expressivité musicale aiguisée. Enfin, la basse Laurent Bourdeaux (qui remplace Jean-Sébastien Nicolas) au timbre foncé offre soutien et contraste polyphonique aux sautillements mélodiques du ténor.
L’ensemble Les Timbres joue sans chef une suite orchestrale de Bach (n°1, BWV 1066), y exposant une réelle habileté technique et musicale, ainsi que de la complicité entre les musiciens. Le caractère dansant des pièces est fidèlement transmis par la rythmique enjouée et la virtuosité des vents (hautbois et basson) et de l’expressivité des violons qui souvent complémentent leurs collègues par une mélodie parallèle. Le rôle d’organiste soliste est confié au Directeur du Centre de musique baroque de Versailles, Nicolas Bucher, qui livre une prestation pleine d’assurance et d’entrain, malgré quelques décalages avec l’orchestre en début de concert (le délai d'une communication visuelle avec le chef qui s’opère par le rétroviseur en tribune).
Le public auvergnat salue chaleureusement chacun des interprètes, mais aussi Philippe Hersant, après avoir chanté en communion musicale avec eux les mélodies des chorals de Bach.