Récital rosé de Joseph Calleja au Festival Castell Peralada
Selon un schéma somme tout assez traditionnel, Joseph Calleja consacre la première partie de son récital à l'opéra, réservant la seconde partie à la mélodie. Au passage récent de la quarantaine, la voix de Joseph Calleja s'est considérablement élargie, plus énergique, plus centrale désormais. Le timbre a un peu perdu de ses belles couleurs et ce vibratello (vibrato rapide et de faible amplitude) particulier qui faisait tout son charme s'est quelque peu estompé. De ténor plutôt lyrique à l'origine, l'artiste semble se diriger vers un emploi plus dramatique, même si le calendrier de ses prestations à venir sur l'année 2020 n'en fait pas encore expressément état. L'église du Carmel, à la forte réverbération -plus d'ailleurs pour la voix que pour le piano-, ne parait ainsi pas seyante pour la partie opératique, d'autant que Joseph Calleja aborde chaque air de façon frontale et uniforme. La nuance, la souplesse se font rares. L'aigu apparaît quelquefois un peu bas et moins ardent, comme dans le Lied d'Ossian "Pourquoi me réveiller" tiré du Werther de Jules Massenet. Dans le répertoire italien -air "Ah, la paterna mano" du Macbeth de Verdi ou l'incontournable "E Lucevan le stelle" de la Tosca de Puccini-, l'artiste semble plus investi, mais privilégie encore ici le son et parvient même à saturer durablement l'espace.
Fort heureusement, la seconde partie du concert permet de renouer avec le caractère plus authentique du ténor, avec notamment des mélodies de Tosti maitrisées et d'un beau légato -Ideale, A vuchella-, et un morceau du compositeur maltais Joseph Vella, Kebbies tal Fanali. La musicalité de Joseph Calleja refait ici surface avec un sens de l'intime plus avéré, plus accordé à ce type de musique. Le Vaghissimma sembianza de Stefano Donaudy, puis Mattinata de Ruggero Leoncavallo s'en font l'écho.
L'accompagnement au piano de Vincenzo Scalera, toujours attentif à son partenaire, est à l'aise sur l'ensemble des parties musicales. Quatre bis clôturent cette soirée au grand plaisir du public présent : un rayonnant O Sole Mio où l'aigu se libère, No Puede ser air extrait de la zarzuela La tavernera a del puerto de Pablo Sorozàbal, immortalisé par Plácido Domingo, puis Parce que, mélodie de Guy D'Harcourt en hommage à Mario Lanza et au film Le Grand Caruso qui a décidé de la carrière de Joseph Calleja. Plus surprenant et dans un français fort approximatif, La Vie en rose d'Edith Piaf. Rose devenant rosé, ce qui apparaît somme toute fort approprié sous les fortes chaleurs de la Catalogne !