Symphonie n°2 de Mahler entre passion et résurrection au Verbier Festival
Instrument inhabituel pour du Mahler, un bruit de béquilles entre la fin du deuxième et le début du troisième mouvement accompagne l'entrée de la mezzo-soprano Ekaterina Gubanova, qui a été contrainte d'annuler sa participation au Tannhäuser de Bayreuth cette année, mais l'attention du public se porte immédiatement et avec émotion sur les
gentilles attentions portées par Golda Schultz envers sa collègue.
Quant à l’Orchestre, il offre certes d'abord une involontaire référence à la Sinfonia de Luciano Berio, dont le sujet musical principal est précisément le troisième mouvement de cette Symphonie de Mahler, mais déformé. Référence involontaire bien sûr, qui présente au public l’ampleur du défi pour les musiciens, mais aussi leur détermination.
Sous la baguette du maestro Fabio Luisi, dynamique et précis, les premières montées diatoniques très articulées, en unisson sur les cordes graves, -dont 8 contrebasses !- montrent la voie suivie. L’orchestre, et son chef en premier, prend à bras le corps cette responsabilité avant d’être exposé aux pièges mahlériens que sont les ruptures fréquentes de tempo. Ces quelques difficultés dépassées, et grâce au soutien de pupitres aidants et généreux, comme le pupitre de percussions, dont le rôle est de renouveler l’énergie musicale, le quatrième mouvement s’ouvre alors sur la mezzo-soprano.
Ekaterina Gubanova, malheureusement cachée par le chef d’orchestre, est heureusement couverte par des caméras retransmises sur deux écrans géants sur les côtés de la scène. Sa voix, d’une rondeur lyrique, marque un peu de fragilité quand elle est couverte par l’orchestre. Et pourtant, cette même voix a la capacité d’une projection large, l’avantage d’une respiration quasiment inaudible et une articulation légère pleinement adaptée à cette musique post-romantique allemande.
Golda Schultz, adopte une articulation un peu plus prononcée que sa consœur. Avec une projection du son large, elle fait sensation grâce à la clarté de ses aigus, une gestion tout en subtilité de ses vibratos et de sa capacité à tenir les notes longues. Le duo final avec Ekaterina Gubanova montre une grande complémentarité des deux voix.
L’Oberwalliser Vokalensemble, formé sur trois rangs par 75 chanteurs et chanteuses amateurs, les femmes à gauche et les hommes à droite, intervient au cinquième mouvement : commençant dans un registre grave, juste, lent, sans sur-articuler et sans vibrato, le contraste se fait sentir quand apparaît enfin le long crescendo final, apothéose de la symphonie, appuyé par un orchestre qui ne montre pas, par pudeur, son état d’épuisement, et par l’orgue, puis par les cloches.
Le vrai aboutissement n’est pas la fin de la Symphonie, ni même les saluts, mais la fin de la longue standing ovation qui suit, récompensée par un bis qui prolonge cette symphonie de près de 10 minutes, pour finir sur une embrassade entre musiciens qui ont joué ensemble ce soir le dernier concert de la saison.