Un ténor jamais laconique au Festival corse Sorru in Musica
Créé en 2004 par une "bande d’amis et de passionnés", le Festival Sorru in Musica se donne pour but de partager la musique classique dans le canton de Dui Sorru en Corse. Pendant dix jours, les concerts, gratuits, ont lieu chaque soir dans un village différent, occasion de (re)découvrir une place ou une église du patrimoine. D’origine sarde, « île cousine » nous dit-il, le ténor Florian Laconi revient pour une deuxième année à Sorru in Musica, avec une soirée plus "intimiste".
Comme l’annonce Bertrand Cervera -violoniste, Président-fondateur et Directeur artistique de Sorru in Musica- au début du concert, cette soirée avec Florian Laconi place le ténor dans les pas des stars lyriques corses à l’image de Tino Rossi. Le programme assez décousu laisse cependant entrevoir différents moments, comme un parcours suivant ces chanteurs qui ont quitté leur île natale pour connaître le succès, mais en la gardant dans leur cœur. La première partie se met ainsi davantage dans les pas de César Vezzani par l’opéra, comme avec la Romance de Nadir des Pêcheurs de Perles de Bizet. Retour à Tino Rossi avec un medley américain à travers le cinéma et des scènes volontiers Broadway. Comme un retour aux sources, le concert se termine sur des inspirations plus méditerranéennes, ce qui n’est pas sans rappeler un projet actuel de Florian Laconi, Chiaro di Luna (deux guitares et la voix de Florian Laconi sur des airs méditerranéens).
Malgré un début de concert crispé, le ténor se libère peu à peu, et il est certainement à son plus brillant dans le bis avec Nessun Dorma. Ce programme varié lui laisse la possibilité de montrer différentes facettes. Si l’église offre un écrin riche pour des suraigus grandioses et tout en puissance, avec beaucoup de chaleur, comme dans le chant traditionnel sicilien réécrit par Nino Rota pour le film Le Parrain, les graves sont parfois trop faibles ou soufflants, comme forcés, et noyant quelque peu la ligne vocale. Étonnamment, Florian Laconi semble plus à l’aise dans le répertoire plus anglophone des comédies musicales, comme pour My Way où son parlé-chanté léger est rempli d’émotion et de finesse, notamment dans son legato. Il offre de belles nuances, notamment dans le début d’un intermezzo avec un crescendo bien maîtrisé et en place bien qu’il soit assez technique. Technique qui manque d’ailleurs parfois un peu dans la justesse mais qui est largement compensée par une acoustique flatteuse pour la voix.
L’orchestre sert le ténor sans presque jamais l’écraser, mais en offrant davantage un tapis au chant. Les musiciens menés par Bertrand Cervera assurent alors avec plaisir les intermèdes ou introductions de chaque partie. Miwa Rosso s’illustre ainsi pour la chaleur et la rondeur de son violoncelle. Le travail de l'arrangeur Didier Benetti réussit à faire tenir le prélude de La Traviata de Verdi (premier morceau du concert) ou encore West Side Story de Bernstein à neuf instrumentistes.
Durant tout le concert, le public peut apprécier de manière plus générale le grand investissement de Florian Laconi dans son jeu, malgré une disposition imposée par le lieu et donc assez classique. Le ténor ne se démonte pourtant pas et adresse non sans malice un « J’aurais voulu être un chanteur » (Starmania comme il le chantait cet été à Orange) à la voûte étoilée de l’église, peinture calabraise oblige.