The Fairy Queen de Purcell, la reine enchantée à Beaune
Comme la veille pour Les Indes Galantes de Rameau et le lendemain pour un autre opéra de Purcell, le concert se déplace par sécurité climatique de la Cour des Hospices à la Basilique. Suivant la logique des nationalités, si Rameau était porté par les français de La Chapelle Harmonique (direction Valentin Tournet), ce sont les britanniques du Gabrieli Consort & Players (direction Paul McCreesh) qui défendent Purcell, à commencer par cette Fairy Queen inspirée de William Shakespeare (Le Songe d’une nuit d’été). Si cette œuvre (comme King Arthur) est à l’origine un semi-opéra : entre théâtre et musique, désormais seules les parties musicales sont interprétées. Les instrumentistes et choristes du Royaume-Uni ici réunis n’en délivrent pas moins, par l’art des sons, un théâtre des passions avec ses moments gracieux, ses divertissements oniriques, dans un univers poétique, magique et métaphorique.
L’orchestre (cordes, hautbois, flûtes, basson, trompette et timbales) et le continuo (clavecin, théorbes et guitares), par leur disposition en demi cercle encadrant un plus petit demi-cercle de choristes, forme une scène (comme de théâtre) renforçant l’esprit et l’image de troupe. Les instrumentistes enchaînent avec vitalité les musiques dansées (ici seulement jouées) et les accompagnements d’airs, toujours attentifs aux départs délicats, rythmés et cohérents, alternant les moments tendres et intimistes, avec ceux burlesques et plus pompeux. Les choristes renforcent l’animation, le jeu d’acteur de leur prestation, en chantant par chœur. La justesse et le placement caractérisent leurs interventions subtiles, équilibrées, à la prononciation shakespearienne.
Les interventions vocales des solistes sont très caractérisées. Ashley Riches, basse, doté d’une belle voix, ample, étendue et sonore, devient le centre de gravité lors de ses interventions en magistral poète ivre. Suavité et profondeur de résonance s’articulent efficacement avec le chœur. Gillian Keith chante La Nuit. Remplaçant au pied levé la soprano initialement programmée, elle donne des signes d’inquiétude, par quelques tremblements parasites, dans une voix petite mais très projetée, claire, bien servie par une impeccable diction. Très vite, la ligne retrouve son raffinement et elle offre un dialogue extatique avec le hautbois pour le tube de cet opus, The plaint "O, let me weep !".
Le Mystère est chanté par Charlotte Shaw, à la voix comme insolente de santé, fraîche et bravache, elle aussi avec les nuances qui épousent les inflexions de la langue anglaise et les mélismes subtils de Purcell. L’Été, accompagné des flûtes, est chanté subtilement par le ténor Jeremy Budd, à la voix légère, mais sonore, claire et agile, sachant doser les nuances entre pianissimi en voix mixte et forte incorporés. Jessica Cale a une voix de soprano de petit format, à l’anglaise, délicate et très lisse. La prononciation et le phrasé sont à l’unisson. La jeune paysanne Mopsa qui ne s’en laisse pas conter et refuse les baisers est incarnée ici par le ténor Charles Daniels, qui après une très longue carrière, a gardé sa voix de ténor à l’anglaise. L’aigu naturel émerveille ici l’auditoire dans un emploi de ténor de « caractère ». Il incarne également Phoebus, montrant l’étendue de son registre, solaire.
James Way introduit son ténor à la voix sonore et virile, mais capable de toute la palette des nuances. Très appliqué et impliqué, la voix est pleine d'énergie sur un ancrage de baryton. Marcus Farnsworth est un baryton-basse à la personnalité rayonnante, doté d’une grande présence scénique. La voix mesurée dans l’impact de sa projection sait prendre le texte à bras le corps, doser et déployer ses effets de phrasé selon le sens des mots, avec un sentiment de facilité et d’évidence. Il phrase avec des couleurs en demi teintes, frisant même celles du ténor parfois mais pour aller caresser ensuite celles de la basse.
L’orchestre au complet célèbre l’entrée des saisons avec timbales, trompettes, dans une énergie résumant l’esprit de cette soirée, de cet opus et d’un chef-d’œuvre anglais.