Gala Verdi par La Scala à Savonlinna
Juillet
est un mois Verdi au Festival de Savonlinna en Finlande, qui reçoit
cette année La Scala avec I masnadieri
(Les Brigands, à retrouver dans notre prochain compte-rendu) et
un concert de gala dédié au compositeur qui s’éteignit à Milan
en 1901. Le programme met en valeur les œuvres des années 1840 et
1850, depuis ses premiers grands succès (Nabucco et
Macbeth)
jusqu’à La Force du destin
(1862), sans oublier des opus moins connus (Luisa Miller
et Les Lombards à la première croisade),
ni la trilogie populaire. Le casting vocal réunit quatre noms
célèbres du monde lyrique et de La Scala : des artistes traités par le
public comme des légendes vivantes (Ferruccio Furlanetto et Leo Nucci), ainsi que le ténor Giorgio Berrugi et la soprano María José Siri (en remplacement de Sonya Yoncheva, pour cause d'heureux
événement imminent).
Furlanetto déploie tout au long de la soirée sa basse aux graves pleins, jusqu’aux aigus retentissants, sans nulle forfanterie. Il excelle surtout en Jacopo Fiesco, qu’il rend rubato (rythme assoupli) avec des larmes dans son timbre, équilibré avec son expression théâtrale. L’auditoire apprécie également la joie de chanter et de vivre qui coule de sa bouche en Zaccaria, d’une telle puissance qu'il fait bien comprendre l'exigence et les défis de la basse dans Nabucco.
La
maîtrise du ténor lyrique Giorgio Berrugi, habitué surtout des
grandes scènes italiennes (et programmé pour Butterfly cet automne à Bastille), lui permet de faire un détour en Manrico
(dans le trio du Trouvère)
entre les morceaux tirés de son répertoire habituel. Chaque souffle
semble servir à l’introduction d’une nouvelle couleur vocale ou
nuance dynamique, et Berrugi rend ses arias avec un ton approprié,
souvent pensif, élégiaque ou en prière. Toujours avec goût, son
chant n’est jamais motivé par le désir de faire une démonstration
technique, une vertu qu’il partage avec María José Siri. La
soprano uruguayenne aurait certes pu davantage se libérer de son
pupitre s'il ne s'était agi ici d'un remplacement, et elle manifeste
de fait une grande écoute pour les finesses dynamiques du chef
d’orchestre. Elle contourne les interprétations traditionnelles
des deux Leonora (du Trouvère
et de La
Force du destin)
pour leur donner un nouvel élan, entre son timbre rond et
d'audacieux (mais équilibrés) sauts parmi les registres, jusqu’aux
aigus ciselés. D'autant que son expression et son incarnation
dynamique affriolent visiblement le public d'aise.
Enfin, Leo Nucci. Si son demi-siècle de carrière ne trahit nullement sa vigueur vocale constante, l'expérience est attestée par la connaissance psychologique de ses rôles phares – Luna, Germont, Rigoletto et Renato. Ses variations de ton et de dynamique font ressortir des nuances nouvelles. Ne semblant rien avoir à prouver, il laisse flotter librement ses longues lignes intenses sur la texture orchestrale, tantôt bouillonnant ou serein, tantôt explosif ou tombant subtilement en morceaux, avant de conclure ses arias par de longues notes finales, qui –comme sa contribution au chant verdien– ne semblent jamais prendre fin.
L'ensemble est accompagné par l’Orchestre et le Chœur de La Scala sous la baguette de Michele Mariotti, qui manifestent le raffinement admirable des invités venant se mettre au service des différents numéros musicaux –y compris deux ouvertures et trois scènes de chœur.