Alexander Neef nommé Directeur de l'Opéra de Paris
Le processus de recrutement avait été redémarré suite à la nomination d'un nouveau Président du conseil d'administration de l'Opéra (Jean-Pierre Clamadieu) puis celle d'un nouveau Ministre de la Culture (Franck Riester) en octobre 2018. Un comité d'audition avait alors pré-sélectionné 11 noms, mais dans un processus seulement consultatif : c'est au final le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron en l'occurrence, qui nomme la Directrice ou le Directeur de l'Opéra national de Paris, par décret.
La longue période entre le début du processus de recrutement (engagé lorsque Françoise Nyssen était Ministre de la Culture) et l'officialisation de la décision aujourd'hui aura été vouée à l'expectative et à bon nombre de spéculations, rumeurs, hypothèses plus ou moins informées et téléguidées.
Justement en raison du délai dans le choix, certains des candidats ont préféré accepter d'autres responsabilités, exprimant leur incompréhension face à la manière dont le recrutement était conduit.
Les derniers échos dans la presse nationale (outre ceux de janvier annonçant une décision prochaine) parlaient d'une prolongation de la Direction actuelle pour une, puis pour deux années, comme par intérim, sachant combien il semblait compliqué pour une nouvelle tête de tout préparer pour gérer l'institution à plein titre dès 2021.
Stéphane Lissner devait (et devra) pourtant bel et bien quitter son poste de Directeur de l'Opéra national de Paris à l'été 2021, cela lui avait été clairement notifié par les tutelles, rappelant que le directeur sera atteint par la limite d'âge fixée à 67 ans (il en aura 68 à la fin de son mandat).
Monsieur Lissner lui-même abondait dans ce sens par écrit :
« À l’été 2021, j’aurai un peu plus de 68 ans et j’aurai donc dépassé la limite d’âge applicable au service public, qui est normalement de 67 ans. Je pourrai terminer mon mandat de 7 ans, ce qui est déjà dérogatoire au droit commun, mais je ne pourrai aller au-delà. Il n’y a donc jamais eu aucune "candidature au renouvellement" puisque le décret ne le permet tout simplement pas. »
En témoignant sa confiance envers Monsieur Alexander Neef, l'Élysée lui soumet donc le défi de monter une saison (et d'avancer les suivantes) en deux ans, alors que les grandes voix lyriques internationales ont déjà rempli leur calendrier trois ou quatre années à l'avance pour la plupart. Certains artistes nous expliquent tenter de maintenir des périodes relativement ouvertes ou disponibles pour Paris, périodes qui se réduisent comme peau de chagrin à mesure que le temps presse.
Le nouveau Directeur doit également se mesurer à des chantiers aussi cruciaux que sensibles : la négociation d'une nouvelle convention collective et surtout résoudre la question des droits à la retraite pour les employés, sans oublier la nouvelle salle modulable de l'institution, que les tutelles veulent à l'équilibre financier. Par un communiqué publié en ce jour de nomination, l'Opéra de Toronto affirme en outre qu'Alexander Neef restera "à Toronto, pour guider la compagnie jusqu'à la fin de sa saison 2020/2021".
De nombreuses questions restent en suspens suite à cette annonce, notamment concernant le passage de témoin (Messieurs Stéphane Lissner et Alexander Neef travailleront-ils ensemble, selon quel calendrier et selon quel fonctionnement ?) ainsi que le recrutement d'un Directeur musical : l'actuel, Philippe Jordan, partant pour Vienne à l'été 2020, l'annonce de la fin de mandat pour Stéphane Lissner signifie-t-elle qu'il ne nommera pas de nouveau Directeur musical, laissant ce choix à son successeur (combien de temps l'opéra fonctionnera-t-il avec des chefs invités de fait et qui prendra les décisions musicales ?)
Plus généralement se pose la question des équipes travaillant actuellement avec Stéphane Lissner, de leur maintien, de leur remplacement. La Cour des Comptes avait pointé la manière dont des employés en place avaient été "indemnisés" lors du dernier changement de Direction.
Il restera également à faire un bilan du mandat de M. Lissner, à l'issue de ses deux prochaines et dernières saisons (la seconde n'ayant pas encore été annoncée) et à voir ce qu'en reprendra M. Neef (quelle forme donnera-t-il sous son mandat à l'Académie, à la 3e scène, aux Avant-premières jeunes, quelles mises en scène, voire créations musicales reprendra-t-il ?)
En attendant voici le portrait d'Alexander Neef (né en 1974) qui revient dans une maison parisienne où il fut Directeur de casting sous Gérard Mortier de 2004 à 2008. Directeur général de la Compagnie nationale d'opéra du Canada à Toronto (depuis 2008) et parallèlement Directeur artistique de l'Opéra de Santa Fe (depuis un an), Alexander Neef était le plus jeune des candidats pré-sélectionnés (voir les 10 autres non retenus).
De par son expérience (dans l'administration artistique au Festival de Salzbourg, à la Ruhrtriennale en Allemagne ou encore au New York City Opera), il possède à la fois des compétences en conception artistique, recrutement de chanteurs et dans la gestion économique d'un théâtre d'opéra. De plus, son parcours et son action portent à croire qu'il devrait conserver l'ouverture vis-à-vis des jeunes, des nouvelles technologies et esthétiques : son travail au Canada a de quoi rassurer les tutelles par son approche large et diverse (allant de classiques jusqu'à la création contemporaine et il y a également créé un Studio pour les jeunes artistes lyriques). Cependant, son angle d'action principal est l'opéra alors qu'un tel poste exige aussi un gestionnaire du ballet, qui sache améliorer et repenser les conditions de travail pour les danseuses et danseurs.