Le Poème Harmonique ouvre de festives Promenades musicales en Pays d’Auge
Cette édition du Festival qui cultive la tradition de la musique baroque, à travers la région historique du Pays d’Auge située en Normandie (retrouvez notre précédent compte-rendu avec Farinelli à Livarot) s'ouvre comme il se doit à Lisieux : non seulement la capitale du pays d'Auge, mais aussi la destination du pèlerinage en l’honneur de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. En contraste, le lieu du concert (le Théâtre municipal et non pas une église) est justifié par Vincent Dumestre (chef du Poème Harmonique et luthiste) en raison de la dimension profane du programme.
Le programme nommé Anamorphoses (type d'image qui se reconfigure avec un autre point de vue) met à l'honneur la nouvelle vision de l'Église catholique envers la musique durant la Contre-Réforme (répondant au protestantisme en ouvrant davantage le style musical). Dans une atmosphère intimiste et chambriste, éclairée par de nombreuses chandelles, la soprano Claire Lefilliâtre se présente avec un chant chaleureux qui s’épanouit pleinement dans les aigus. Sa voix de poitrine trouve stabilité et puissance, les ornements et vocalises sont réalisés avec aisance et naturel. Dramatique et convaincante dans son expression, la prosodie est sans faille. Toutefois, les passages vers le registre bas se heurtent à quelques soucis de justesse et perdent en richesse, tandis que ses longues parties solistes la laissent légèrement à bout de souffle (les cadences finales sont un peu précipitées).
Son timbre charnu offre un contrepoids harmonieux à la luminosité de l’instrument offert par Deborah Cachet dans les duos de ces deux soprani. Cette dernière file une expressivité délicate dans Sì dolce è'l martire de Monteverdi (version sacrée de sa fameuse mélodie d’amour Sì dolce è'l tormento), ici dans un tempo plutôt pressé. Elle transmet l’esprit dramatique et tendre de la pièce, restant à l’aise dans sa projection, que l’accompagnement soit plus épais ou bien allégé.
Côté masculin, le ténor Nicholas Scott se joint à la soprano belge dans la Passacaille de Marco Marazzoli. Il se distingue par l’intensité vocale et la rondeur de son registre central. Le chant et le jeu théâtral (bien que restreints et mesurés) sont animés et expressifs dans ce dialogue comme dans les passages mélismatiques. Pourtant, les sommets de sa tessiture sont moins stables dans l’intonation et restent moins perceptibles dans les tutti.
Marc Mauillon se démarque par son baryton polyvalent et des cadences joliment phrasées. Il mesure sa force sonore au service de l’équilibre global du chœur et des jeux polyphoniques. Son homologue Benoît Arnould chante la partie grave du quintette. Sa voix colorée résonne dans son medium, même si les notes basses tendent à mincir en densité. Sa voix se marie avec les autres dans les ensembles, comme O gloriose martyr qui clôture le concert dans la concorde et des phrases musicales cadencées.
Vincent Dumestre dirige (et joue avec) son ensemble. Dans les rares parties purement instrumentales de la soirée, les deux violons (Mira Glodeanu et Fiona-Emilie Poupard) se font remarquer par le son rayonnant et léger de leur contrepoint allègre, tout comme le cornet (cuivre ancien) d’Adrien Mabire qui ajoute une saveur particulière à cette instrumentation principalement de cordes.
La soirée se termine sur une note joyeuse et festive avec un grand gâteau d’anniversaire pour les 20 ans de cet ensemble.