Baroque improvisé avec Chantal Santon-Jeffery et l’Achéron au Festival de Saintes
L’art de l’improvisation étant également propre à ces deux styles musicaux, les interprètes font ici résonner les voûtes de l’Abbaye aux Dames à Saintes avec de grands tubes instrumentaux baroques (Spagnoletta, Gaillarda napoletana ou Folies d’Espagne) sauce jazzy.
Chaque musicien déploie quelques mesures d'improvisation sur sa mélodie, à l’instar des ensembles jazz (Big Band) mais sans les applaudissements qui suivent traditionnellement les prestations individuelles dans les clubs et caves. Ce défilé musical de talent et de créativité révèle les possibilités techniques et sonores des instruments respectifs (y compris du cornet à bouquin, un ancien cuivre), grâce à une charmante synergie artistique. Yoann Moulin séduit notamment le public par ses passages jazzy à l’orgue, tout comme Krzysztof Lewandowski à la doulciane (basson de la Renaissance), ses gestes et mimiques faisant même rire les spectateurs. Marie Rouquié se distingue par la tendresse et musicalité de son jeu de violon solo, participant à un son global et commun qui ne se dilue pas dans l’acoustique retentissante de l’église de l’Abbaye aux Dames.
Cette communion musicale fondée sur une écoute mutuelle attentive, un respect et soutien des lignes se renforce encore avec l’interprétation de Chantal Santon-Jeffery qui chante en alternance avec les improvisations de l’ensemble. Le programme décline des chansons d’amour (surtout plaintives), inauguré par l’air Si dolce tormento de Monteverdi. Son timbre chaud et doux se déploie pleinement dans le piano, sur l'accompagnement réduit à la harpe mélodieuse de Marie-Domitille Murez et/ou au clavecin de Philippe Grisvard. La chanteuse maîtrise le souffle parcourant les vocalises et l’étendue de sa tessiture, émaillée d’ornements baroques. Sa voix colorée et ardente se prête également aux airs de lamentation (tel le Lamento della Ninfa de Monteverdi) dont elle traduit le caractère. Sa projection sonore est dosée pour cet espace acoustique d'église, bien qu'elle soit couverte par les sommets instrumentaux.
L'ovation du public atteint son apogée avec la Doulce mémoire de Pierre Sandrin, bissée. L'occasion pour tout l’orchestre de se transformer en chœur.