Comme jadis à Saintes avec Kelly God
Comme jadis : "Wie einst" dans un des Lieder au programme (Allerseelen-Toussaint de Richard Strauss) mais aussi comme après sa prestation remarquée en clôture de la précédente édition du Festival Saintais, cette chanteuse revient à l’Abbaye aux Dames. Cette année, son choix se porte sur des Lieder (mélodies germanophones) moins connus, composés par les Mendelssohn (Félix et Fanny), Brahms et Liszt, ainsi que des grandes mélodies de Strauss. Pour que cette sélection artistique soit comprise au mieux par l’auditoire, la pianiste Anne Le Bozec joue le rôle de médiatrice en expliquant le contexte de composition pour les œuvres interprétées avant chacune des quatre parties composant la soirée.
Cela étant, ce programme est avant tout un choix parmi le champ de prédilection de la chanteuse, pour sa voix dramatique et épaisse. Son interprétation porte le pathos du Freudvoll und Leidvoll (Joie et chagrin), plonge dans les « profondeurs de l’âme » avec Bist du (Tu es) aussi bien que les « profondeurs du lac » de Der Fischerknabe (L’Enfant Pêcheur) exploitant les différents registres de sa tessiture. Elle transmet d’ailleurs fidèlement l’atmosphère rêveuse dans le Lied de Brahms (Immer leiser wird mein Schlummer–Mon sommeil est de plus en plus léger), avec les notes délicatement entonnées piano, émettant un son bien timbré qui emplit pleinement l’espace. Son vibrato y est contrôlé, même dans les parties dramatiquement plus amples.
L’articulation est un atout majeur dans la prestation de la soprano, chaque mot et chaque consonne est soigneusement prononcée, mettant ainsi la poésie et la musique sur un pied d’égalité. Cette symbiose s’accomplit dans un opus peu joué de Fanny Mendelssohn – Verlust (Perte), étoffé par des lignes nuancées et l'air tragique de la pièce. En revanche, les airs de son frère Félix sont chantés de manière fort « opératique », le dialogue entre fille et garçon dans Vergebliches Ständchen (Sérénade inutile) paraissant d'autant plus uniforme par contraste. Cette immersion dans l’univers mélancolique et romantique ne serait pas possible sans l'accompagnement gracieux et généreux d’Anne Le Bozec. L'instrumentiste tisse en filigrane des harmonies tendres et expressives, parvenant à équilibrer le jeu soliste au service de la mélodie.
La soirée plonge dans La Nuit (Die Nacht) de Strauss avec la tendresse d'un élan fervent et des paroles d’encouragement qui donnent une dernière note optimiste, récompensée par les applaudissements d'auditeurs contentés et réconfortés.