Requiem de Verdi original par Sir John Eliot Gardiner pour refermer le Festival de Saint-Denis
Après le succès
de sa tournée européenne à l’automne 2018 avec ce Requiem
de Verdi, Sir John Eliot Gardiner le reprend pour une date unique au Festival de Saint-Denis dans une interprétation inhabituelle, très contrastée et riche
de son expérience en musique ancienne (comme en témoignait en cette même Basilique sa version de Vêpres de Monteverdi
en 2017). Les contrastes baroquisants résident tout d’abord dans les dynamiques insufflées par le chef, allant du pianissimo à peine audible au déchaînement fortissimo emplissant la nef de la basilique. Lorsqu’il
désire augmenter encore l’intensité qui semble à son maximum, Sir John Eliot Gardiner joue sur le tempo en insufflant une légère accélération.
Il peut compter
sur le Monteverdi Choir (qu’il a créé dans les années 1960) pour distiller sa très riche palette de
nuances. La particularité sonore de cet ensemble vocal, composé de chanteurs
rompus au style baroque aux voix précises contrôlant leur vibrato, est une
richesse de résonance et d’harmoniques faisant vibrer les tympans notamment
dans la fureur du Dies Irae. Les choristes
s’appuient sur des consonnes percussives afin de préserver l’intensité dans les
nuances retenues et parfois murmurées Quantus
tremor est futurus-Quand la terreur est annoncée. Grace à une souplesse et une précision
impressionnante, aucune note ne se perd dans le double chœur du Sanctus.
Le chef s’appuie également sur l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique, qui fête cette année son trentième anniversaire et qui, jouant sur instruments d’époque, renouvelle la pâte sonore de cette œuvre, dans des volumes sans cesse transformés et une accentuation appuyée ravivant les phrasés.
Bien que ne possédant pas tous le format vocal exigé par cette œuvre, les solistes répondent au plus près à la volonté de contrastes du maestro. La soprano Lenneke Ruiten, plus mozartienne que verdienne, offre ainsi des aigus d’une douceur angélique (Huic ergo parce-Épargne-le donc du Lacrimosa) qu’elle amplifie, rendant le timbre métallique. Toutefois, elle parvient difficilement au volume requis, notamment dans le Libera me, et ce malgré un investissement physique perceptible. La voix ample et sonore de la mezzo-soprano Christine Rice lui assure une présence remarquée aussi bien en solo que dans les parties d’ensemble. Les graves soutenus, les aigus lumineux et le legato agrémenté de quelques ports de voix assurent la qualité de sa prestation. Leurs deux voix se retrouvent sur le Recordare et accordent leur phrasé aux aigus pianissimo. Elles peinent cependant à harmoniser leurs timbres dans l’Agnus dei, la finesse métallique de l’une s’alliant difficilement à la rondeur de l’autre.
Le ténor Charles Castronovo, ayant chanté le Requiem pour ce même Festival de Saint-Denis sous la direction du Maestro Myung-Whun Chung en 2015 lance le Kyrie dans un grand lyrisme et, pour l’Ingemisco, alterne la vaillance avec la fragilité. Le parcours de ses différents registres vocaux rend son interprétation très touchante. Ashley Riches interprète la partie de basse avec beaucoup d’engagement et de musicalité. Sa voix richement timbrée aux graves très accrochés ne possède cependant pas la puissance nécessaire pour assurer sa présence dans les ensembles et permettre un phrasé ample.
Le public remercie les artistes dans une standing ovation, espérant que les nombreux chemins de Sir John Eliot Gardiner le mènent à nouveau au Festival de Saint-Denis.