Lucile Richardot, Médée, Circé et Armide, les magiciennes s’installent à Versailles
Médée,
Circé et Armide, ces
trois
personnages à la hauteur du tempérament de la mezzo-soprano lui
permettent l’expression de sentiments extrêmes dans une grande
théâtralité et à
travers
un choix de répertoire alternant des pages célèbres et d’autres
moins connues. Lucile Richardot présente son programme baroque
français et anglais avec un
franc-parler et
beaucoup d’humour : « Derrière
les pouvoirs ensorceleurs ou maléfiques des Magiciennes… se cache
souvent une même médaille et son revers : l’amour et le
désespoir de ne pas être aimée… des histoires qui touchent tout
le monde ! n’est-ce pas ? »
Médée dans Teseo de Haendel, à la fin de sa vie, se lamente que le Dieu de l’amour trouble de nouveau son repos alors que dans Il Giasone de Cavalli, elle prépare une potion afin d’aider Jason à conquérir la Toison d’or. Avec Charpentier elle prend conscience de la trahison de celui pour qui elle a tout sacrifié. Armide de Lully tombe sous le charme de son ennemi et use de pouvoirs magiques afin de se faire aimer de lui. Circé joue de sa harpe magique pour prolonger la nuit amoureuse éternellement (William Webb : Powerful Morpheus, let thy charms) pour ensuite convoquer la furie Alecton (Music for a while de Purcell) et se venger de l’abandon d’Ulysse dans la cantate de François Colin de Blamont.
La voix de Lucile Richardot aux couleurs multiples semble en adéquation avec l’expression de toutes ces passions. Pas de place pour la tiédeur, les sons filés distillent la suavité de l’abandon ("dolce riposo" de Haendel) ou bien la plainte (Quel prix de mon amour de Charpentier) mettant en valeur les appoggiatures (dissonances sur le temps) et leurs résolutions, cependant que la révolte demeure sous-jacente, prête à exploser en voix de poitrine sonore et projetée (Dell’antro magico de Cavalli). Elle donne tout son sens à Music for a while, faisant sentir la menace d’un déchaînement proche impulsé par la furie. L’intensité est présente sur toute la tessiture. Les aigus ronds et vibrants amènent un certain lyrisme dans les récits, préservant l’intelligibilité du français et de l’anglais. L’engagement de la chanteuse est de chaque instant, vocalement et physiquement dans une théâtralité efficace animée de gestes expressifs : poings fermés, doigt tendu vers le ciel, bras ouverts. Ses entrées et sorties de scène coïncidant avec les changements de personnages sont soutenues par des pièces instrumentales interprétées dans la continuité par Jean-Luc Ho, passant du continuo aux pièces solistes avec la même exigence d’interprétation.
Le public demeure attentif, sous le charme de cette magicienne généreuse. Charme que ne rompt ni le pupitre récalcitrant (la chanteuse poursuit son chant tout en le réparant), ni le relâchement vocal en fin de concert, révélant l’artiste dans toute son humanité. Elle reçoit alors l’hommage du public avec un sourire radieux.