Véronique d'André Messager à Sceaux : le théâtre prime
Après une présentation succincte de l’œuvre par le metteur en scène Vincent Vittoz, le Quatuor Ernest et le pianiste Timothée Hudrisier, font leur entrée. L’entente entre les membres du quatuor à cordes est visible et appréciée : elle lance d’emblée l’ambiance joyeuse de l’après-midi et de la trame. Le son quant à lui est rond et généreux, malgré certaines stridences qui n’entament jamais durablement le timbre commun. L’écoute attentive entre le pianiste et le quatuor offre un jeu souple et expressif qui est particulièrement apprécié du public lors des fins d’actes entraînantes.
Clarisse Dalles, d’une grande implication scénique, semble toujours chercher un paroxysme dans le ressenti de son personnage. Sa Véronique est toutefois franche et téméraire. La voix est ronde, parfois émise un peu trop en force ce qui a pour effet de casser le legato (ligne de chant) et apporte une dureté au timbre. Le chant sait néanmoins être parfois nuancé.
Ronan Debois est un Florestan de belle allure, débonnaire à souhait, et fin dans la caractérisation. Le timbre est clair, mais l’émission est fragile pour ce rôle difficile (notamment dans les notes aiguës) et son baryton devient réfractaire. Makeda Monnet est une Agathe pleine de convoitise et de mutinerie, toutefois la diction est un peu hasardeuse y compris dans les parties chantées. Le timbre est brillant mais, là encore, la ligne de chant est trop hachée, ce qui empêche la voix de s’épanouir pleinement.
Lise Nougier est extrêmement drôle et son jeu d’une grande justesse déploie son plaisir à toutes ses interventions par ses mimiques et intonations offertes au personnage d’Ermerance. La voix joue avec les couleurs de ses registres – jamais au détriment de la technique – pour offrir des airs inspirés. Corentin Backes fait montre de sa verve comique dans les rôles de Loustot et de Séraphin. Le timbre est claironnant, parfois un peu trop nasal, la voix est bien projetée et brillante mais la ligne de chant reste peu soignée et la diction peu intelligible. Henri de Vasselot, enfin, vient compléter cette distribution avec un Coquenard fort humoristique. La voix est chaude, mais pour une basse, ses graves sont très peu sonores. Le chœur, composé par Eva Plouvier, Laure Poissonnier, Olivier Delaunay et Romain Micouleau, soigne ses interventions et apporte au spectacle une énergie communicative.
Reste la mise en espace de Vincent Vittoz, pétillante et inventive, qui ne tombe jamais dans la vulgarité ni l’ennui : le décor est rudimentaire mais savamment employé (chaises de jardin colorées qui posent tout de suite le décor du premier acte), les costumes sont signifiants (fleuris et souples, à l'image de la morale pour la majorité des personnages) ainsi que les objets (grand bouquet de fleurs passé de main en main, anticipant les marivaudages). L'ensemble profite aussi des trouvailles "modernes" (comme l'intrusion des téléphones portables dans les enjeux de l'intrigue, notamment lorsque Florestan dicte sa lettre de rupture à Véronique, à l'acte III) . L'ensemble des artistes fait de surcroît un très bon emploi de l'espace, particulier, de l'Orangerie, en passant de la scène à la salle avec agilité.