Francesca Aspromonte rayonnante à la Chapelle Royale de Versailles
Les ors de la Chapelle royale de Versailles brillent sous les rayons du divin et du soleil méditerranéen. Le programme, sobrement intitulé « Haendel sacré », montre des pièces où se décèlent les influences italiennes du maître baroque, avec une alternance d’œuvres vocales et instrumentales portées par un même éclat, une même allégresse. L’aria « Felicissima quest’alma » (« Heureuse es-tu, mon âme ») extraite de la cantate Apollo e Dafne comme le motet « Silete Venti » (« Faites silence, vents ») avec ses « Alléluia » finaux s’articulent aux pages contrastées du Concerto grosso n°5 et du Cuckoo and the Nightingale, mais aussi à la Follia de Francesco Geminiani. La contemplation mesurée varie avec le ravissement des mouvements les plus passionnés. Pour servir ce répertoire, la soprano italienne Francesca Aspromonte retrouve le Collegium 1704 de Václav Luks dans un récital tout en lumière.
Alors qu’au-dessus de l’autel, face aux orgues, une hautboïste de l’ensemble déploie les notes de la plénitude par un thème des plus chatoyants, la soprano élance un premier aigu, léger et captivant. D’emblée, la béatitude est reine avec un « Felicissima » dont les sifflantes prennent corps dans un sourire. Le timbre est d’une grande beauté. Les lignes mélodiques, portées à tempo mesuré, sont filées volubiles dans un legato que soutient la résonance des lieux et trouvent une certaine grâce dans des ornements bien amenés. Le motet « Silete Venti », récit vers l’apothéose, permet à la soprano de mettre en avant son jeu de scène, dotant le chant d’une expressivité nouvelle. La voix interrompt l’allegro introductif de l’ensemble par une note perçante, implorant les vents de cesser. Le « tr » roulé du mot « transfige » (du verbe « percer ») trouve son ardeur performative sur les dissonances, comme les superlatifs « jucundissimus », « foelicissima » portent leur joie des fortissimi à pleine voix jusqu’aux piani parfois timides. Les vocalises rapides et serrées qui appellent les vents (« Surgant venti ») ne la mettent pas en peine, dans la cadence imposée par le Collegium 1704.
Celui-ci se montre très en forme. Les Concerti grossi au programme offrent une variété de caractères en plusieurs mouvements, ils invitent le contraste dans l’interprétation. Dans les passages modérés où la sérénité se pare d’accords généreux, le son est sain et bien portant, stable et réparti au sein de l’effectif. Les mouvements rapides ont ce qu’il faut de nerveux, de vivace et sont bien cadrés, ne laissant rien au hasard sur le continuo implacable perceptible par les rebonds réguliers de l’archet sur la contrebasse, jusqu’à la transe de la Follia de Francesco Geminiani. Les reprises variées du thème apparaissent comme le théâtre d’un emportement généralisé. À l’orgue de Pablo Kornfeld sur le Cuckoo and the Nightingale, le chant du rossignol s’orne de contrechants et tourbillonne avec un son carillonnant. L’ensemble est porté par la direction consciencieuse de Václav Luks. Depuis le clavecin, le chef accompagne avec corps son effectif, mais aussi la soprano, dont il amène les parties dans un souci très apprécié des transitions.
En bis et pour couronner la soirée, les interprètes offrent le « Rejoice greatly » du Messie avant de reprendre l’aria « Felicissima quest’alma », pour faire accéder le public quelques moments encore à la félicité contenue dans ces pages de Haendel.