Sacre de Louis XIV à la Trinité de Lyon avec Sébastien Daucé et Les Correspondances
L’écrin de la Chapelle de la Trinité de Lyon est choisi pour accueillir Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances, réuni en son effectif le plus complet pour cette proposition de reconstitution musicale du sacre de Louis XIV (originellement dans la Cathédrale de Reims le 7 juin 1654). Bien qu’aucun document ne permette de connaître le programme musical de ce sacre, certains apportent toutes sortes d’informations précieuses amenant Sébastien Daucé à proposer un concert imaginaire, avec l’aide du musicologue Thomas Leconte, chercheur au Centre de musique baroque de Versailles. C’est ainsi que le programme en sept parties mêle des pièces instrumentales d’Antoine Boesset (1587-1643) et d’anonymes, des motets d’Étienne Moulinié (1599-1676), de Roland de Lassus (1532-1594), de Charles d’Helfer (?-ca.1665) ou de Francesco Cavalli (1602-1676), ainsi que des antiennes et plain-chant du répertoire grégorien.
L’aspect cérémonial étant extrêmement important et soigné, la mise en espace des musiciens l’est tout autant grâce au travail de Mickaël Phelippeau et Marcela Santander. L’auditeur est alors plongé dans le somptueux imaginaire musical de la cérémonie sacrée dès la procession d’entrée des musiciens à cordes et des chanteurs depuis la porte d’entrée de la chapelle, avec la Pavane pour le mariage de Louis XIII, puis des vents avec La Pavane pour le mariage de Monsieur de Vandome, toutes deux œuvres d’anonymes. Les déplacements sont nombreux et extrêmement soignés et calculés, empêchant tout temps mort et immergeant l’auditeur au milieu de multiples spatialisations sonores : si toute la cinquantaine de musiciens ne tient pas sur les estrades aux hauteurs différentes de la scène principale, deux petites sont installées latéralement pour les vents et parfois des chanteurs. Les 21 jeunes chanteurs de la maîtrise du CRR de Lyon, évoluent un peu partout dans la Chapelle avec quelques lanternes, criant avec fierté les titres de chaque partie, chantant depuis la tribune, derrière le public ou au milieu même de celui-ci. Les lumières d’Abigail Fowler apportent une dernière touche en jouant des spots et lustres pour créer des ambiances tamisées ou resplendissantes.
L’Ensemble Correspondances fait preuve d’un bel investissement, leur connaissance de la partition permettant leur mise en espace. Sous la direction discrètement rebondie et souple de Sébastien Daucé, ils font preuve d’un constant soin de l’équilibre et d’une attention rigoureuse, rendus nécessaires par ces dispositions spatiales qui augmentent les risques de décalages. Le nombre des instrumentistes et choristes aide à produire un son homogène et très dense, idéal pour s’imaginer la majesté d’un événement dont l’objectif est avant tout d’impressionner. Les choristes font preuve des mêmes qualités, capables de produire un son homogène, puissant et de l’équilibrer en fonction du style de l’œuvre. Les interventions solistes sont rendues par la voix moelleuse de Lucile Richardot et le charme tendre de celle de Caroline Weynants. La première séduit immédiatement avec ses graves de velours lors du Virgo dei genitrix, dont la viole –dans son registre aigu– est un rien plus forte par cette différence de registre. La seconde chante In lectulo meo, dans lequel lui répond un bel écho mais au phrasé manquant de conduite. Les voix masculines ont des interventions solistes bien plus courtes, laissant toutefois apprécier les chants timbrés d’Étienne Bazola et René Ramos Premier, ainsi que les lancements assurés de Renaud Bres, qui donne le ton pour les antiennes (courtes pièces mélodiques de chant grégorien) chantées par la maîtrise du Conservatoire régional de Lyon. Celle-ci, préparée par Marie-Laure Teissèdre, fait entendre de beaux chants a cappella qu’ils connaissent par cœur, les laissant libres de circuler et se placer là où la mise en espace le demande. L’homogénéité des timbres et la justesse de l’ensemble n’est pas toujours parfaite, mais elle ne manque pas d’ensemble et d’intentions bien conduites.
Le relief musical, par l’alternance, l’éclectisme des œuvres et leur mise en espace soutient cette reconstitution par la dimension impressionnante de l’interprétation, même si elle manque régulièrement de précision. Les longs applaudissements du public manifestent son plaisir d’avoir ainsi été transporté dans un temps semi-historique, semi-imaginaire mais néanmoins impressionnant de solennité et de majesté.