Faust de Gounod sous le soleil de Nice
La mise en scène de Nadine Duffaut souligne la présence constante du vieux Faust qui semble errer sans but sur la scène et revivre sans cesse le même cauchemar : sa damnation s’avère éternelle ! Certains tableaux apparaissent plus aboutis que d’autres, comme la scène de l’église ou celle de la prison dramatiquement en phase et puissants. Ce spectacle révèle aussi à Nice l’implication effective de chaque interprète dans la démarche spécifique proposée. Dans le rôle du vieux Faust, Antoine Normand qui chante donc la majeure partie du premier acte avant l’intervention du Faust jeune, fait valoir après de belles années de carrière une voix de ténor encore parfaitement stable et d’une précision constante. Il hante et habite le plateau de tout le poids de l’expérience. La justesse n’est certes pas la qualité majeure de Stefano Secco qui aborde le Faust jeune. La ligne de chant est agréable, soutenue et le français bien en place, mais l’aigu est quelquefois émis un peu bas (duo Marguerite/Faust de la prison) et celui qui clôt son air fameux « Salut, demeure chaste et pure » hésite étrangement entre le falsetto (voix de tête, fausset) et le forte. Mais le personnage a une existence convaincue et convaincante.
Depuis Reims et Metz, Chloé Chaume continue d’affirmer ses moyens de soprano lyrique en Marguerite. Sans perdre de sa légèreté ou surtout de sa luminosité, sa voix semble franchir une nouvelle étape, plus assurée, plus vibrante, plus riche de couleurs, et surtout désormais plus large. L’aigu peut encore s’assouplir, mais le mezza voce apparaît maîtrisé. L’Air des Bijoux ou l’intervention finale Anges purs, Anges radieux apportent la preuve indéniable de ces avancées dans le rôle comme dans cette production.
Nicolas Courjal domine la scène en Méphistophélès (comme à Marseille). Tour à tour goguenard ou fort inquiétant, il donne au personnage une allure qui en renouvelle l’approche. Sa voix de basse longue et expressive, au timbre si particulier, se glisse avec aisance dans les atours du Diable. Son interprétation du Veau d’Or tout particulièrement, éloignée des forfanteries et excentricités dont cet air se trouve trop souvent affublé, renoue avec le beau chant français. C’est aussi le cas pour le Valentin très stylé d’Armando Noguera, d’une présence affirmée, donnant de la mort du soldat affligé une vision bouleversante et faisant résonner des moyens vocaux conséquents. La ligne est virile, mordante et -surtout- jamais larmoyante.
Philippe Ermelier, déjà présent à plusieurs reprises dans ce rôle de Wagner au sein de cette production, affirme une nouvelle fois sa présence de caractère et sa santé vocale (chaude assise bonhomme). Plus en retrait vocalement, la Marthe de Jeanne-Marie Lévy est surtout une Dame théâtrale tandis que le Siébel de Camille Tresmontant se confronte aux exigences d’un rôle conçu pour une voix féminine.
Le Chœur maison préparé par son chef Giulio Magnanini se donne sans partage, même si notamment dans le célèbre Gloire immortelle de nos aïeux, un renfort supplémentaire eut été le bienvenu. Ce spectacle reçoit un excellent accueil de la part du public niçois, notamment grâce à la direction musicale de Giuliano Carella placé à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Nice. Sa conduite très structurée, puissamment lyrique et généreuse porte une pleine attention à chaque chanteur et laisse s’épanouir la musique de Gounod sans contrainte ni relecture excessive. Son sens de la nuance s’impose par ailleurs sans partage. L’opéra de Gounod reprend ici des couleurs et affirme sous sa direction une nouvelle jeunesse.