Deux légendes de la musique, Georges Bizet et Pauline Viardot à l’Opéra Comique
Cette soirée
musicale est organisée par l’Opéra Comique et le Centre Européen
de Musique, instance créée et animée par le baryton Jorge Chaminé,
et qui doit ouvrir à Bougival dans les Yvelines au courant de
l’année 2022 un lieu de vie et de musique se répartissant entre
la Villa réhabilitée de Georges Bizet en bord de Seine (demeure
intimement liée à la composition de Carmen), et la Villa de Pauline Viardot toute proche. Cette ravissante folie de style Directoire se
trouvait jusqu’à présent dans un état déplorable et n’était
plus accessible au public, au contraire de la Datcha de Tourgueniev
qui la jouxte, elle aussi abîmée. Heureusement, grâce à la
mission confiée à Stéphane Bern, elle fait partie des 18 sites
sélectionnés au plan national et bénéficiant du premier Loto du
Patrimoine. Au terme des travaux, le Centre
Européen de la Musique disposera entre autres d’un auditorium de
400 places, d’une médiathèque, d’un laboratoire de recherches
sur les liens entre la musique et le cerveau, d’un espace
thérapeutique et sportif, d’une résidence intergénérationnelle.
La Villa Bizet sera pour sa part aménagée en espace muséologique.
La soirée à Favart voulait offrir un programme musical diversifié dans l’esprit de ceux organisés par Pauline Viardot en son temps dans ses salons et se répartissant entre musique vocale, piano et musique de chambre, avec Georges Bizet comme invité principal. Afin de relier le propos, Jorge Chaminé incarne le compositeur tandis que la comédienne Cyrielle Clair endosse les habits de la cantatrice et compositrice, Pauline Viardot, pour des échanges de compliments et l’évocation des grandes heures de gloire. Au plan musical, le Chœur des Gamins extrait de Carmen de Bizet interprété par les voix fraîches et très justes des enfants de La Maîtrise Populaire de l’Opéra Comique dirigés par Sarah Koné, ouvre le programme. Faute d’un orchestre présent, la guitare chaleureuse de Sébastien Llinares ou le piano, notamment celui du pianiste japonais Kotaro Fukuma au toucher lumineux et vif dans la Grande Valse de Concert de Bizet ou d’Alexander Drozdov, se succèdent sur le plateau. La musique de chambre se trouve représentée par le Trio Chausson interprétant Johannes Brahms.
Au plan vocal, la soprano Omo Bello ouvre le ban
avec un extrait de Vasco de Gama, ode symphonique de Bizet et
l’air virtuose La Marguerite a fermé sa corolle… Ouvre ton
cœur, immortalisé au disque par Joan Sutherland. Comme pour cette dernière,
la prononciation apparaît trop relâchée, mais Omo Bello déploie une
réelle sensibilité et une aisance certaine, couronnées d’un bel
aigu. Par contre, l’air de Micaëla l’oblige à grossir
artificiellement des moyens ici trop légers, déstabilisant la ligne
et le soutien.
Le jeune ténor franco-italien Sebastian Monti donne fière
allure à l’air d’Almaviva du Barbier de Séville de Rossini "Ecco
il ridente" (rôle créé par le ténor Manuel Garcia, père de
Pauline Viardot et de La Malibran). Le matériau vocal doit encore
s’affirmer et s’épanouir, mais la ligne de chant est belle,
l’aigu assuré. Après l’Agnus Dei de Bizet, la soprano Léa
Sarfati le rejoint pour le duo Leïla/Nadir des Pêcheurs de Perles, "Ton cœur n’a pas compris le mien". Les deux voix
s’accordent, le soprano déployant un legato assuré et
un aigu franc, incisif. Deux mélodies de Pauline Viardot figurent
par ailleurs au programme ainsi que l’air du Comte Barigoule de sa
si ravissante Cendrillon. Une jolie soirée musicale en somme, dans l’attente de celles qui seront organisées à Bougival par le Centre
Européen de Musique.