Faust tenté dans le faste tentant du Royal Opera House au cinéma
Cette production de David McVicar créée en 2004 et reprise par Bruno Ravella, ravit par la
qualité de ses décors, costumes et lumières qui poussent le
réalisme et le souci du détail depuis les escaliers de pierre dont les lézardes
laissent pousser quelques fleurs, jusqu'au pastiche du Moulin Rouge aussi magnifique que glauque : une immersion, un plongeon avec
Faust dans les manigances de Méphistophélès.
Faust est incarné par le ténor Michael Fabiano, convaincant et impliqué quoique faisant preuve d’une interprétation un tantinet appuyée lorsqu’il joue la vieillesse, le corps parcouru de tremblements exagérément intenses. Sa diction laisse parfois entendre quelques confusions entre certaines voyelles (les "a" clairs et sombres, les "é" et "è") sans pour autant gêner la compréhension du texte, faisant honneur au livret. Sa voix ample, pleine, solide laisse entendre des aigus brillants et éclatants. Le baryton-basse Erwin Schrott interprète avec panache un Méphistophélès haut en couleur et drôle. Ses talents d’acteurs indéniables s’associent à une voix particulièrement large qui assume des graves puissants de basse et des aigus aux couleurs de baryton-martin (couleur typiquement française), étonnamment ouverts et résonnants, quoique métalliques –surtout dans les médiums. La prononciation du français n’est en revanche pas sa force : les "e" se transforment tous en "é", les voyelles nasales ("an" et "on") sont imprécises et perdent en résonance si bien que la compréhension du texte nécessite la plupart du temps la lecture des sous-titres.
Irina Lungu prend les traits d’une Marguerite au visage expressif et engagé, à la voix souple dont le timbre est particulièrement riche et habillé d’un vibrato élégant, régulier, de faible amplitude et rapide. Les nuances piano dans les médiums sont remarquables, confortables et le son enrobé de velours. Si le baryton français Stéphane Degout, dans le rôle de Valentin, offre au public une articulation remarquée, sa voix, comme ses intentions d’acteur, propose peu de nuances. Sous pression, les aigus plafonnent si bien que la note finale de l’air Avant de quitter ces lieux est chantée à l’octave inférieure de manière à lui conserver une certaine douceur.
La soprano Marta Fontanals-Simmons interprète Siébel avec un réel engagement dans l’interprétation. L’accès à la partie haute de sa tessiture lui demande cependant des efforts tels que ses aigus sont tendus et font entendre quelques notes légèrement basses. Marthe est interprétée avec humour et légèreté par Carole Wilson dont la voix modérément projetée et résonnante est teintée de nasalité. Ses médiums sont creusés mais la prononciation est intelligible.
German Enrique Alcantara, en Wagner, impose sa voix puissante et profonde, menant avec panache les choristes, bien que le chœur de femmes connaisse quelques difficultés rythmiques au début de l’Acte II lors de vocalises rapides qui se désynchronisent de l’orchestre et peinent à se faire entendre. L’Orchestre du Royal Opera House, dirigé par Dan Ettinger, est à la hauteur des couleurs et contrastes que peint et impose la mise en scène, en sachant s’y opposer pour les sublimer : grandiose et pathétique côtoient lugubre, glauque et sordide.