Don Quichotte à Liège, l’onirisme d’un grand enfant
L’Opéra Royal de Wallonie propose de nombreuses actions en direction du jeune public. Parmi celles-ci, la présentation d’opéras participatifs, dans lesquels les enfants sont invités à mettre leur enthousiasme au service de l’opéra. S’il s’agit parfois d’œuvres à part entières créées pour l’occasion, c’est cette fois une réduction en une heure de Don Quichotte de Massenet qui fait briller les yeux des enfants liégeois. La mise en scène, confiée à Margot Dutilleul (tout comme l’adaptation), met l’accent sur l’onirisme, si étroitement lié au rêve et à la folie du « Chevalier à la Longue figure », au risque de manquer parfois de fantaisie. Le plateau est ainsi habillé de trois paravents blancs sur lesquels viennent se projeter des ombres chinoises produites par des photophores descendus des cintres. Ces ombres figurent des étoiles, des fantômes, la foule ou les moulins avec force poésie. Seul autre élément scénique, une chaise haute décorée figurant le cheval Rossinante dans l’esprit malade du héros. L’histoire est adaptée au public : la mort de Don Quichotte est remplacée par un départ en voyage et la débauche du palais de Dulcinée consiste en un jeu de Piñata. Cette épure émerveille les enfants, mais aurait avantageusement bénéficié d’un plus grand dynamisme dans la direction d’acteurs.
La distribution réunit des fidèles de la maison, qui partagent une même précision dans la diction, permettant aux enfants de comprendre parfaitement l’ensemble du texte sans recours au surtitrage, mais aussi une assise vocale plus ou moins instable selon les solistes. Le rôle-titre est interprété par Roger Joakim dont le phrasé manque de mordant. Il expose une voix ouverte comme l’imagination du héros, aux aigus pleins, joliment vibrés, et aux graves reluisants. Étrangement, son legato, finement filé par moment, manque totalement dans d’autres passages. Dulcinée est chantée par Alexise Yerna dont la projection franche laisse entendre une voix percutante dans le médium, qui s’acidifie dans l’aigu. Elle dispose de l’agilité vocale requise par le rôle, même si elle pourrait y apporter plus de liant. Patrick Delcour s’amuse en Sancho, auquel il prête sa voix vaillante au timbre caverneux et reflets soyeux. Gabriele Bonfanti chante les rôles de Rodriguez et d’un Bandit avec engagement. Son placement vocal ne lui permet toutefois pas de maîtriser son vibrato. Heureusement, un souffle long lui autorise un phrasé effilé. La voix de Gianna Cañete Gallo (Juan et un Bandit), aussi engagée, acidulée et ronde achoppe sur un vibrato prégnant.
Le jeune chef Ayrton Desimpelaere dirige l’orchestre de l’IMEP (Institut supérieur de musique et de pédagogie de Namur) et les interventions de la salle d’un geste sûr et esthétique, encourageant les enfants dans leur découverte artistique. La réduction de l’effectif met en valeur la gravité des contrebasses et la mélancolie des altos et violoncelles, le chant gracieux des flûtes et hautbois, ainsi que les airs festifs des cuivres.
Les enfants, dont les interventions chantées restent limitées, sont également invités à découvrir le rythme en tapant dans les mains ou sur des bouchons. Tout au long du spectacle, ils s’exclament et s’esclaffent dans une expérience artistique qui leur est manifestement précieuse. Les saluts finaux sont l’occasion de laisser exploser leur énergie retenue une heure durant : ils accueillent les artistes par des vivats sonores accompagnés de battements de mains et de pieds qui font trembler le théâtre.