Parodie pétillante et vintage d’une histoire de Køuples au Théâtre de la Renaissance d'Oullins
Les lycéens sont venus nombreux pour assister à ce « détournement ludique » du répertoire lyrique, au Théâtre de la Renaissance d’Oullins. Cet opéra imaginaire, Køuples, est constitué de trois œuvres aux écritures bien différentes mais, en assumant justement ces différents univers, leur moquerie commune des querelles d’un couple bourgeois prend une saveur toute particulière et très cohérente. Le décor se compose simplement de trois écrans et d’un fauteuil bulle en plexiglas – rappelant les créations de Christian Daninos. Les projections vidéo, illustrations animées et lumières composent des univers et atmosphères propres à chaque mini-œuvre ou acte de cet opéra imaginaire. Les costumes finissent d’apporter une grande qualité de références aux créateurs des années 1970, dont les extraits de publicités, trouvées dans les archives de la Maison de la Pub, qui interviennent parfois de manière inattendue mais, malicieusement, toujours à propos.
La première œuvre est un opéra bouffe de Gian Carlo Menotti (1911-2007), Le Téléphone (1947), qui montre les premiers instants du couple, dont la demande en mariage est incessamment empêchée par un troisième et bruyant personnage, Le Téléphone, ici dans un univers hippie, coloré et fleuri. L’acte II est L’Aller–Retour (1927) de Paul Hindemith (1895-1963), court « opéra-miroir » représentant un couple dont la crise de la quarantaine est résolue par une intervention divine –idée et effet indéniablement amusants–, ici dans un monde rétrofuturiste. Enfin, le dernier acte est Le Secret de Suzanne (1909) d'Ermanno Wolf-Ferrari (1876-1948), dévoilant les derniers secrets que se cache un couple, pour les mener enfin vers une confiance totale et durable, dans un décor noir et blanc, avec des références au couple de couturiers André et Coqueline Courrèges ainsi qu'au plasticien Daniel Buren. En interludes et en ajouts sonores, le travail du compositeur Alexandros Markéas, allie des échos des œuvres, suggestions pop et jingles publicitaires.
Le couple est incarné par la soprano Gaëlle Méchaly et le baryton Ronan Debois. La première pétille de présence et de voix, notamment les vocalises fluides qui permettent l’expression des rires exagérés dans Le Téléphone ou le lyrisme de son air « L’extase » du Secret de Suzanne. Elle démontre également ses talents de pianiste et même d’accompagnatrice.
Ronan Debois n’est pas avare de ses talents scéniques, passant aisément du comique au tragique, de la voix parlée à celle chantée. Soutenu par un vibrato large, ses aigus sont parfois un peu étroits mais ses graves sont moelleux. Plus de projection dans la voix des deux chanteurs aurait toutefois été souhaitable, ce qui les aurait dispensé de parfois lutter, en plus de leurs mouvements scéniques, contre les ajouts sonores.
Troisième protagoniste de ce spectacle, véritable acteur, témoin et commentateur : le pianiste Nicolas Farine. Outre ses qualités de musicien et d’accompagnateur, attentif au chant tout en intégrant dans son jeu des allusions à la culture pop et cinématographique des années 70, il se montre aussi un comédien hilarant, par ses grimaces, sa liberté scénique et ses multiples travestissements tout au long des opus.
Si le spectacle souffre un peu des durées inégales de chaque mini-œuvre, créant alors une certaine instabilité dans le rythme global, il conquiert et ravit par son originalité et la qualité de ses références tout en restant très accessible à tous.