Julie Fuchs en récital bel cantiste à la Philharmonie de Paris
Malgré les dimensions de la voix et de l'orchestre, le récital du soir n'est étonnamment pas à la Grande Salle Pierre Boulez de la Philharmonie, mais dans la salle des concerts de la Cité de la Musique. Si l'orchestre est habitué à cette salle à l'acoustique efficace qui peut manquer de chaleur, la soprano avoue au public que c'est une première pour le chef italien et elle-même. Ils semblent toutefois y avoir pris leurs marques sans trop de difficulté.
Le programme, comme l'explique Julie Fuchs en cours de concert, a été construit comme une sorte de voyage dans le délicieux univers du bel canto (Rossini, Fioravanti, Donizetti, Raimondi, Barbieri). Ce style d'écriture, né en Italie, n'est absolument pas restreint ni aux compositeurs italiens, ni à la langue italienne, et c'est ce que prouve ce récital, qui mêle les langues italienne et française, et mène le spectateur en différentes contrées, dont une large excursion en Espagne. Un autre fil rouge parcourt ce programme à l'image de son dernier disque Mademoiselle : les héroïnes orphelines.
Julie Fuchs, rayonnante, semble porter le bel canto avec aisance et confort. Son sens du phrasé, sa maîtrise des nuances, son agilité sont au service de l'interprétation, abordée avec humour et décontraction. Comédienne aimant surprendre par des ambiances variées et singulières, sa personnalité fraîche et sémillante sait créer instantanément une émotion palpable et sincère.
La voix est constamment soyeuse, riche dans les graves, mais les suraigus paraissent désormais un peu poussifs, et la justesse aléatoire. Dotée d'un timbre rond et chaleureux, Julie Fuchs fait cependant preuve d'une grande aisance dans les vocalises, qui lui autorise des tempi redoutables. Sans frémir, elle déroule les airs, soyeuse et d'une diction honorable (bien qu'un léger manque de consonnes empêche parfois la compréhension).
Ça commence.... pic.twitter.com/2FWWclv59B
— Julie Fuchs (@juliefuchssop) 7 mars 2019
Pour l'accompagner, le chef italien Enrique Mazzola dirige l'Orchestre national d'Île-de-France avec beaucoup d'énergie et une précision constante. Tous les pupitres servent la musique enlevée et réjouissante. Les tensions apportent le caractère jubilatoire de ce répertoire. Tout terrain, l'Orchestre est même amené à chanter (fort bien, d'ailleurs) dans le deuxième bis proposé : après un extrait d'Il Turco in Italia, opéra de Rossini que Julie Fuchs et Enrique Mazzola interpréteront bientôt à Zürich, la chanteuse, toujours aussi charmante, explique qu'après toutes ces héroïnes orphelines, elle voudrait passer du côté de la maternité. Elle raconte alors avoir entendu un jour un chœur chanter cette berceuse, au pied d'un volcan en Islande, et en avoir rapporté la partition : les lumières s'éteignent complètement, pour se rallumer uniquement sur la soprano, assise au bord de la scène. Elle chante seule, d'une voix profonde et simple ce chant islandais. Au deuxième couplet, l'orchestre la rejoint en chantant bouche fermée, et allumant de toutes petites lumières. Le voyage se termine, devant un feu en Islande, une mère endort les spectateurs de sa voix douce et chaleureuse.
Vous pouvez réserver vos places pour le Récital Julie Fuchs le 3 Juillet 2019 au Château de Versailles avec l’Orchestre national d'Île-de-France ou bien avec Alphonse Cemin au Festival d'Aix-en-Provence.