Anniversaire Berlioz : Roméo et Juliette sur l’autel de la Philharmonie de Paris
Dans la préface de l’ouvrage, Berlioz pose les fondamentaux de Roméo et Juliette, cette œuvre très particulière : « On ne se méprendra pas sans doute sur le genre de cet ouvrage. Bien que les voix y soient souvent employées, ce n'est ni un opéra de concert, ni une cantate, mais une symphonie avec chœurs ». Ou pour résumer une "Symphonie dramatique" selon son titre.
David Soar n'y fait pas moins résonner en Frère Laurent sa vaste voix de baryton-basse avec une étonnante facilité sur l’ensemble de la tessiture et toute la gravité requise pour un personnage qui résume le drame en s’adressant à la foule de façon assez développée durant la partie finale. Son dialogue avec un chœur au complet conclut avec force : dans une page particulièrement lyrique (arioso et air proprement dit) et fort impressionnante, Frère Laurent réconcilie les deux familles jusqu’alors opposées par un Serment à caractère solennel.
Le Choeur Spirito dirigé par Nicole Corti, basé à Lyon et composé de professionnels, se trouve ici complété du Jeune Chœur Symphonique, pour livrer une prestation passionnée. L’expression de la haine puis de la réconciliation apparaît extrême : l’aigu clair et précis des soprani et la vibration des contralti répondent sans réserve aux élévations des ténors et au chant plus plein des basses.
Les deux autres solistes vocaux (qui n’incarnent pas les deux amoureux légendaires) n’interviennent que sporadiquement et uniquement dans le Prologue. Nora Gubisch, de sa voix de mezzo chaleureuse et à la ligne incisive, donne beaucoup d’ampleur à son intervention qui, avec le petit chœur, évoque le terrible contexte familial et la rencontre des deux jeunes gens avec le début de leur amour. Yann Beuron interprète avec toutes les ressources de sa voix de ténor (timbre lumineux, qualité de l'engagement) le trop court scherzetto de la Reine Mab.
Donné à Paris trois jours après Lyon, ce concert permet à Alain Altinoglu de déployer une ardeur peu commune dans les parties les plus luxuriantes et de mettre pleinement en valeur les parties plus intériorisées, les plus subtiles de ton et de style. Il bénéficie de l’apport essentiel d’un Orchestre National de Lyon en excellente forme, assuré et pleinement à l’écoute de son chef. C’est décidément l’orchestre qui porte sur ses épaules Roméo et Juliette en l’absence voulue des deux amoureux : la phalange exprime tout à la fois la passion partagée, le trouble et l’émotion, la désespérance ou la rivalité morbide qui oppose les Capulets et les Montaigus.
Ce Roméo et Juliette a fait l’objet d’une captation par France Musique pour une diffusion ultérieure.