Troisième de Mahler inspirée à l’Opéra Bastille
Le premier mouvement de la Symphonie n° 3 de Gustav Mahler résume à lui seul les qualités de la soirée : l’appel grandiose et éclatant des huit cors ancre solidement l’œuvre dans l’univers minéral –lequel appartient en propre à ce premier mouvement selon la lettre programmatique initialement rédigée par Mahler. Mais dans le second thème du premier mouvement, l’orchestre se fait lumière, légèreté : les cordes et les bois rivalisent de transparence et de raffinement pour brosser un cadre riant et aérien, qui sera également celui du second mouvement. Violence et sauvagerie, raffinement et délicatesse : l’Orchestre de l’Opéra oscille avec brio entre ces deux extrêmes avec, comme il se doit, quelques échappées vers le burlesque et l’humour (troisième mouvement), la poésie (les sonorités délicates du troisième mouvement, faisant entendre le chant du passereau ou le bruissement des feuilles), ou encore la profondeur méditative.
La mezzo-soprano Michaela Schuster se produit assez peu en France (à l’Opéra de Paris, elle chanta Clairon dans Capriccio par Robert Carsen en 2012 et 2016 ainsi qu'Ortrud dans Lohengrin par Claus Guth en 2017). Elle habille les paroles du quatrième mouvement d’une ligne de chant soignée, en dépit d’un soutien de la voix un peu fluctuant, occasionnant ici ou là une légère instabilité, par exemple dans les « Ich schlief » / « J’ai dormi »). La voix est claire : assez éloignée de la couleur sombre et profonde de la voix d’alto indiquée sur la partition, cette clarté permet en revanche une grande intelligibilité du texte, d’autant que l’interprète accorde une grande importance au poids et au sens des mots.
Les chœurs interviennent avec conviction et musicalité dans le quatrième mouvement (même si le difficile « bim » final pianissimo bouge un peu), en particulier la Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, dont les voix atteignent un haut niveau de luminosité et de transparence.
Philippe Jordan, aux gestes racés, secs, précis, dirige avec passion, par un grand sens du coloris et du climat propres à tel ou tel mouvement. L’adagio final, pris lentement et avec recueillement, permet à la mélodie mahlérienne de déployer ses méandres avec émotion, nostalgie et majesté : sans doute le moment le plus émouvant du concert, la concentration du public atteignant alors son apogée.
À la fin du concert, le chef circule parmi l’orchestre, prenant le temps et le soin de présenter aux spectateurs chaque pupitre, chaque instrumentiste étant intervenu en solo : le premier violon, léger, allègre, mutin dans le premier mouvement, les harpistes, délicatement mis en valeur dans le second mouvement, les clarinettistes ou les cors dialoguant avec la mezzo dans "O Mensch". Le public ne ménage pas ses applaudissements, remerciant chaleureusement l’ensemble des artistes pour cette exécution inspirée du chef-d’œuvre de Mahler.
Très belle 3ème Symphonie de Mahler ce soir par Jordan et l’orchestre de @operadeparis ! Séquencée dans le I, allante dans le II, colorée dans le III. Excellent lorsqu’il s’agit d’accompagner le chant et enfin un Finale à tomber ! Et c’est vraiment super Bastille ! pic.twitter.com/Kkujm8slLJ
— Andika (@Nyantho) 30 janvier 2019