Deux compositeurs toqués au Studio Marigny
Gilets jaunes obligent, les Champs-Élysées sont bouclés en ce samedi après-midi. C’est donc presque seuls au milieu de la plus belle avenue du monde que les spectateurs se dirigent vers le Théâtre Marigny, qui accueille dans son Studio les bouffonneries musicales de deux maîtres du genre, ressuscitées par le Palazzetto Bru Zane. Sous le titre Deux bouffes en un acte, s’enchaînent deux courtes pièces : Les Deux Aveugles d’Offenbach et Le compositeur toqué de Hervé. La première met aux prises deux faux aveugles se trouvant en concurrence pour susciter la compassion des bourgeois parisiens. Dans la seconde (considérée comme l’œuvre fondatrice du genre « opéra-bouffe »), un Compositeur présente sa création (parodie des œuvres romantiques alors en vogue), massacrée par son domestique.
Les deux œuvres font d’abord appel aux qualités de comédiens des deux interprètes, Raphaël Brémard et Flannan Obé. En effet, le texte parlé, prépondérant, use à l’envi de calembours et manie l’absurde sans modération. L’intrigue de la première, resserrée et percutante, est plus dynamique que la seconde qui peine à décoller. Les parties chantées, accompagnées au piano par un Christophe Manien très nuancé, se font plus discrètes, et moins inspirées que dans les autres opus des deux compositeurs. Dans cet exercice, Raphaël Brémard offre une prononciation soignée, ainsi qu’un timbre clair au léger vibrato. La projection est moelleuse mais bien audible. De son côté, Flannan Obé, maniant le burlesque à la perfection, offre une projection un peu dure et un volume trop important pour la petite salle du Studio Marigny, ce qui déséquilibre les duos. Le timbre est riche et les aigus acidulés s’envolent avec facilité, bien que la beauté vocale soit souvent sacrifiée au profit du théâtre. La diction reste toujours soignée, les « r » roulés avec finesse.
La mise en scène, le décor et les costumes, signés Lola Kirchner, ont la folie douce et potache qui caractérise également les œuvres : les gags, les improvisations bien senties et les bons mots s’enchaînent tandis que des poireaux volent dans le public. Celui-ci rit franchement : c’est tout ce qu’auraient voulu les deux compositeurs toqués.