Madame Butterfly à Clermont-Ferrand, un papillon japonais se pose en Auvergne
La mise en scène de Pierre Thirion-Vallet ne vise pas l’originalité à tout prix, elle emprunte même certaines idées ou certains tableaux à d’autres mises en scènes célèbres de l’œuvre : le fond lumineux du plateau, qui se pare de couleurs signifiantes (le bleu de l’aube au début dernier acte, le rouge du sang au dernier tableau), ou le chemin contournant le plateau sur lequel cheminent les personnages rappellent la Butterfly de Bob Wilson ; le fait que le bébé de Butterfly ne soit qu’un fantasme (il est ici remplacé par une poupée) n’est pas non plus une nouveauté : Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeil, à Limoges, l’avaient déjà remplacé par un robot télécommandé (en mars dernier), Vincent Boussard par une statue à Hambourg en 2012, Kirsten Dehlholm par un bibendum à Bruxelles en janvier 2017. Mais Pierre Thirion-Vallet privilégie la lisibilité et la clarté du propos, aidé en cela par les décors de Frank Aracil et surtout les beaux costumes de Véronique Henriot. La direction d'acteurs est également soignée, insistant sur la relation forte entre Butterfly et Suzuki, et surtout permettant de donner vie aux plus petits personnages.
C’est une gageure, y compris pour les phalanges prestigieuses, que de rendre justice à l’orchestre à la fois poétique, chatoyant, dramatique de Puccini. Même si les pages poétiques de l’œuvre (l’entrée des invités au premier acte, l’apparition du navire à l'acte II) demandent des couleurs plus diaphanes, les moments tragiques (l’apparition de l’enfant de Butterfly) des envolées plus puissantes, l’orchestre "Les Métamorphoses", très impliqué sous la baguette précise et efficace d’Amaury du Closel, s’acquitte de sa tâche avec les honneurs.
La distribution, quant à elle, permet d’entendre des seconds rôles tous convaincants. Pauline Feracci et François Lilamand ont peu à chanter en Kate et Yamadori, mais ils n’en font pas moins entendre des voix bien placées et défendent leur rôle avec conviction. Le Goro de Joseph Kauzman, sonore, convainc aussi par l’aisance scénique, tandis que le bonze de Benoit Gadel gagnerait à être un peu plus terrifiant. Parmi les rôles plus conséquents, Jean-Marc Salzmann propose un consul américain Sharpless plein d’humanité, un timbre et une voix placés, une diction soignée. Magali Paliès parvient à faire de Suzuki plus qu’une simple silhouette : de la servante modeste et effacée du premier acte à l’amie désespérée des dernières scènes, elle brosse un portrait touchant de Suzuki, par un jeu d’actrice convaincant mais aussi un chant au timbre clair, mis au service d’une interprétation sobre et nuancée.
Les deux personnages principaux sont incarnés par le ténor roumain Antonel Boldan et la soprano japonaise Noriko Urata. Le premier fait entendre, dès les premières scènes, un médium rond et chaleureux. Toutefois, la voix se fragilise dans le registre aigu et perd un peu de sa pulpe, les sonorités se fixent et témoignent d'une certaine fatigue vocale dès le duo d’amour qui clôt le premier acte : l’aigu final est émis avec difficulté. Son absence du deuxième acte lui permet de reprendre quelques forces, mais ses interventions finales montrent de nouveaux signes de fatigue. Annoncée souffrante, Noriko Urata dispose de graves sonores Les aigus sont tantôt bien projetés, tantôt plus ou moins escamotés, le médium couvert par l’orchestre est souvent très peu audible et la ligne de chant semble parfois erratique. La gestion du souffle est également perfectible (avec de curieuses respirations, par exemple entre infelice et madre dans la phrase "A un infelice madre la carità!" / Faites l’aumône à une pauvre mère !). Scéniquement en revanche, la composition convainc dès le premier acte lorsque Butterfly est censée n’être encore qu’une très jeune fille. Son implication dans le rôle émeut visiblement le public qui lui réserve un fort bel accueil.
Dans le courant des mois de janvier et février ce spectacle pourra également être applaudi à Saint-Quentin, Neuilly-sur-Seine, Montrouge, Poissy et Romans.