La Traviata à l’Opéra de Rome, entre élégance et convention
La particularité de cette production tient notamment à la collaboration de la réalisatrice américaine Sofia Coppola et des couturiers de la maison Valentini pour la mise en scène et les costumes. Le public plonge ainsi dans l’univers de l’amour contrarié de Violetta et Alfredo et des espaces intérieurs aristocratiques typiques du XIXe siècle que rappellent les chandeliers et le mobilier d’époque. Dans ce décor conventionnel, les solistes et le chœur évoluent en tenues de soirée dont les teintes tranchent avec le noir ou le rouge vif des somptueuses robes de Violetta sur lesquelles se concentrent tous les regards.
La mise en espace proposée, classique et sobre, semble contrarier l’investissement scénique des chanteurs, dont les mouvements restreints ou désuets transforment parfois la scène en tableau vivant. L’action retrouve néanmoins de l’élan dans le second acte, avec la présence du chœur et la dynamique du ballet qui anime la scène (chorégraphie de Stéphane Phavorin).
L’héroïne principale, la courtisane Violetta Valery, se présente au public en empruntant l’imposant escalier de marbre érigé sur scène. Pour ce rôle, la soprano Francesca Dotto (déjà présente dans la distribution de 2016) offre un timbre généreux et chaud, dans les sons tenus comme dans les vocalises. D’abord quelque peu hésitante dans son interprétation scénique, la chanteuse prend rapidement de l’assurance. Dans le fameux air E’ strano (C'est étrange ! acte I, scène V), Dotto conduit sa ligne vocale avec aisance et projette des aigus précis. La chanteuse modifie avec subtilité l’intonation de sa voix pour traduire les émotions variées qu’elle ressent, entre joie, frustration, colère et douleur. Dans le dernier acte où l’héroïne vit ses derniers instants, elle alterne les passages en voix pleine et les demi-teintes dans un piano soutenu, comme dans l’air du dernier acte Prendi quest’è l’immagine (Prends, voici l'image).
Dans le rôle d’Alfredo Germont, l’amant transi de Violetta, le ténor Alessandro Scotto di Luzio développe une ligne de chant élégante, au timbre clair et séduisant. Il offre un jeu théâtral convaincant, face aux stratagèmes de Giorgio Germont, son père, qui réussit à l’éloigner de sa bien-aimée. Ce dernier, interprété par le baryton Marco Caria, menace et intimide Violetta de sa voix sombre et puissante, traduisant habilement l’intransigeance et la sévérité du personnage. Sa voix grave et sonore s’associe subtilement à celles des deux protagonistes principaux, comme dans le duo Dite alla giovine du second acte avec Violetta.
La mezzo-soprano Sarah Rocchi, interprète une Flora Bervoix mondaine et insouciante à la voix large et aux médiums sonores. D’une voix agile et bien projetée, la soprano Rafaela Albuquerque dans le rôle d’Annina, la fidèle servante de Violetta, se glisse avec efficacité dans la mise en scène. Le Docteur Grenvil incarné par la basse Graziano Dallavalle, se montre bienveillant et soucieux en conduisant ses interventions d'une voix généreuse et chaude. Les barytons Andril Ganchuk et Timofei Baranov ainsi que le ténor Dominguo Pellicola, dans les rôles respectifs du Baron Douphol, du Marquis D’Obigny et de Gastone, interviennent avec assurance et contribuent à offrir des ensembles d’une belle cohésion.
Le son chaud et homogène de l’Orchestre du Teatro dell’Opera de Rome, dirigé par Pietro Rizzo, accompagne avec attention les interventions des solistes comme celles du chœur aussi précises qu’harmonieuses.