Charme et élégance des Songs de Purcell par Tim Mead à la Chapelle de la Trinité
Suite à la sortie de leur dernier enregistrement Songs and Dances, Tim Mead et Les Musiciens de Saint-Julien ne cessent de partager leur bonheur en proposant un programme exclusivement constitué d’œuvres signées Henry Purcell (1659-1695). Forts de leur curiosité et de leurs multiples qualités, ils en dégagent la richesse et la beauté, notamment par la variété des atmosphères suggérées, tout en garantissant une cohérence musicale entre les œuvres.
Bien qu’il n’y ait pas de rideaux devant la scène installée dans le chœur de la Chapelle de la Trinité, l’ouverture se fait musicalement avec Curtain Tune, chaconne rebondissante qui permet aux musiciens de chercher leur équilibre dans l’acoustique généreuse du lieu. Puis, Tim Mead se lève et commence O Solitude, my sweetest choice, déjà captivant par la simplicité sincère de son interprétation, accompagné avec subtilité. Le charme persiste avec les flûtes à bec dans One charming night (extrait de The Fairy Queen), puis laisse place à la danse avec la Chaconne du même opus. Malgré la grande régularité du clavecin, la direction de la basse obstinée de Here, the Deities Approve (Ode for St Cecilia’s Day) est d’abord difficile à comprendre, pour l’auditeur et vraisemblablement autant pour la violiste, pourtant très attentive.
Le chant de Tim Mead, sûr et imperturbable, emporte toutefois aisément dans cet élan cyclique, sublimé par des vocalises d’une telle souplesse qu’elles semblent dénuées de toute difficulté. François Lazarevitch prend alors un petit traverso (ancienne flûte) pour la fière March du Married Beau puis reprend aussitôt la flûte à bec pour la mélodie champêtre We the Spirits of the Air (The Indian Queen) et enfin la gentille danse du Hornpipe de The Old Bachelor. Le flûtiste sait assurément charmer, par la précision et la projection de son jeu – pourtant intimiste – dans une présence attentive, sans partition, et parfois même malicieuse lors des fins joyeuses. L’élégant Tim Mead fait de nouveau entendre sa chaude et belle voix d’alto avec les lignes réconfortantes de ‘Tis nature voice (Ode for St Cecilia’s Day). Ces lignes sont parfois un peu perturbées au passage vers le grave, mais le timbre de ce registre est velouté. Le contre-ténor suspend le temps par la finesse de ses nuances et le soin de ses phrasés jusqu’à la toute fin de ses notes finales. Here let my life with as much silence slide est l’occasion d’apprécier l’équilibre recherché des musiciens, qui savent être présents tout en gardant la mise en valeur du chant. Les musiciens hésitent, le public attend et désire la suite : c’est pourtant déjà l’entracte.
La deuxième partie de soirée débute par la Fantasia upon a ground, trio virtuose originellement pour trois flûtes mais ici interprété par deux violons avec le traverso de François Lazarevitch. Il est dommage que son instrument ne soit pas plus audible, son registre plus grave que les petites flûtes précédentes n’aidant certainement pas à lutter contre la présence des instruments à cordes. La basse obstinée garantit cependant le tempo et crée un terrain d’inventivité, encourageant les musiciens à jouer avec la pulsation et son ressenti. Cependant, les directions semblent parfois différentes voire opposées, avec aussi des harmonies qui paraissent décalées, d’où une relative incompréhension globale du discours musical. Le directeur des Musiciens de Saint-Julien montre une nouvelle fois sa capacité à jouer d’un autre instrument en prenant la musette pour interpréter la Jig May her blest example chase. La sonorité inattendue mais agréable de l’instrument amuse assurément, tout comme l’élan rythmique de cette Jig.
Si l’atmosphère se calme ensuite grâce au Fairest Isle (King Arthur), bercée par la tendresse de Tim Mead et du violon d’Augustin Lusson, l’agréable repos est soudainement perturbé par les glaçants accents sul ponticello (sur le chevalet) qui introduisent What power Art Thou (King Arthur), dans lequel le contre-ténor se montre véritable comédien, tenant ses partitions serrées dans ses bras et incarnant son texte par sa diction, impeccable et expressive. Cet air fameux et sa convaincante interprétation lui valent de forts et longs applaudissements. L’Aire extrait de la Virtuous Wife et les mélodies écossaises qui suivent réjouissent avec d’entraînantes lignes virtuoses par François Lazarevitch, qui semble jongler avec les flûtes. Tim Mead rejoint le joyeux ensemble pour se faire conteur de l’histoire de la maline Jenny (Twas within a furlong of Edinboro’ town). C’est enfin avec l’heureux Strike the Viol, Touch the Lute, introduit par quelques danses extraites d’Amphitrion, que se termine le programme.
Cédant facilement aux applaudissements du public, Tim Mead offre en bis l'une de ses œuvres favorites de Purcell : Music for a while. Son plaisir patent est rendu communicatif grâce à ses phrasés, avant de charmer une dernière fois : Charming strength.